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Une trêve fut conclue toutefois, le 31 août, avec le duc de Savoie; et la conclusion de cette trêve mit un terme au siège de Cavours, dont les défenseurs étaient réduits à la dernière extrémité. En vertu de cette trêve, les deux armées se retirèrent dans leurs garnisons. Lesdiguières avait plus d’une raison pour interrompre les hostilités: l’état de la Provence l’inquiétait, comme il inquiétait le roi; le duc d’Épernon, qui était devenu gouverneur de cette province après la mort de La Valette, son frère, y avait mécontenté toute la noblesse ; le roi écrivit à tous les gouverneurs un billet ainsi conçu : « Faites ce que M. de Lesdiguières vous dira ou vous enverra dire, et croyez que je ne perdrai point le souvenir de ce service. » Une haine profonde séparait Lesdiguières et d’Épernon, qui était soutenu par le connétable de Montmorency, son parent. Lesdiguières entra en Provence avec une armée ; d’Épernon lui écrivait dans ces termes : « j’ai recongneu que ce n’est point le service du roy qui vous a porté dans mon gouvernement et avec une armée, comme si c’estoit un païs de conqueste plein de Sarrazins. Nous sommes tous François, serviteurs du roy;.. que si c’est à moi à qui vous en voulez, c’est à vous à qui j’en veux ; mais je ne voudrois pas que l’innocent en souffrist, oins que ce fust de vous à moy, avec une épée, à pied ou à cheval. » On reconnaît à ce langage ce que d’Aubigné appelle « la piaffe » de d’Épernon.

Le connétable de Montmorency envoya M. de La Fère en Provence pour travailler à un accommodement ; mais Lesdiguières passa la Durance auprès d’Orgon, en vue de l’armée d’Épernon et, après une escarmouche, il allait s’acheminer sur Aix, quand le connétable lui envoya l’ordre de ne point bouger d’Orgon et l’assurance que d’Épernon se soumettrait à tous les ordres du roi ; le fort d’Aix ayant été remis aux mains de La Fère, Lesdiguières se rendit dans cette ville, réussit à enlever ce fort par ruse à La Fère et le fit raser. La Fère alla se plaindre du procédé de Lesdiguières à d’Épernon, qui le jeta en prison, comme ayant abandonné le poste qui lui avait été confié. A peine hors de prison, il alla porter ses plaintes au connétable de Montmorency, qui le mit en prison comme traître. Outré de ces injustices, il envoya un défi à Lesdiguières, mais le roi fit défense à tous deux de se battre en duel.

Le duc de Savoie, dès la fin de la trêve, avait mis le siège devant Briqueras. Lesdiguières réunit des troupes de secours, passa les montagnes et se jeta en Piémont pour secourir les assiégés. Il ne put empêcher cette place, qui était serrée de très près, de capituler le 23 octobre 1594. Lesdiguières, qui n’avait que fort peu de monde, fut contraint de se retirer : il s’irritait contre d’Épernon qui lui rendait toute action difficile, s’emparait de ses maisons et