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avec 15,000 hommes, mais n’avaient pu reprendre cette place; ils avaient fini par traiter avec Lesdiguières. Les conditions furent que les assiégés sortiraient avec les honneurs de la guerre, que la place serait démantelée, mais que les habitans auraient la liberté de conscience. Peu après, Lesdiguières fit un traité avec le gouverneur catholique de Romans, menacé par les partisans de la ligue ; il s’accommoda aussi avec ceux de Grenoble pour une trêve réduite à la ville et aux lieux voisins. Les ligueurs accusaient ouvertement La Valette d’être d’intelligence avec les protestans. Châtillon arriva en Dauphiné avec 2,000 hommes, pour joindre la grande armée que Condé faisait venir d’Allemagne. Lesdiguières le reçut sur les bords du Rhône et le conduisit par des passages difficiles en Savoie, et La Valette, au dire de d’Aubigné, ne fit rien pour empêcher le passage de Châtillon.

Gap était une pierre d’achoppement pour toutes les entreprises de Lesdiguières : la ville est au pied d’un coteau nommé Puymore; il l’investit, s’en empara et y fit rapidement construire un fort; il réussit à l’achever heureusement, malgré les continuelles sorties de la ville. La Valette chercha inutilement à lui reprendre Puymore et se retira. Les Gapençais, abandonnés de tous, furent contraints de conclure, le 14 juillet 1588, une trêve de six mois, qui fut, de fait, prolongée pendant treize mois. Pendant ce temps, des négociations furent entamées avec La Valette. Lesdiguières représenta à ce dernier qu’en s’unissant avec la ligue, le roi avait comme abandonné son état, qu’il ne restait plus à chacun qu’à prendre ses sûretés ; unis, ils auraient la Provence et le Dauphiné à leur dévotion; séparés, ils détruiraient leur propre fortune et affermiraient celle de la maison des Guise, qui conspirait la perte du royaume et des princes du sang, et livrait la France aux Espagnols. La Valette se laissa convaincre, et une ligue particulière fut conclue, le 14 août 1588. Lesdiguières se trouva ainsi entièrement couvert et délivré du côté de la Provence,

La ligue avait plusieurs généraux : le duc de Nevers, le duc de Nemours, le duc de Mayenne[1] ; ce dernier fut envoyé contre le Dauphiné. Il arriva à Lyon avec 10,000 hommes de pied et 1,000 chevaux, mais il ne bougea de cette ville. Lesdiguières, qui l’attendait, fortifia le Bourg-d’Oisans ; Maugiron vint en faire le siège, et après un temps le fit capituler. Le duc de Savoie, voulant profiter des désordres de la France, mit la main sur Castel-Dauphin, qui fut peu après repris par La Valette et par Lesdiguières. Le duc tenta

  1. Charles de Lorraine, duc de Mayenne (du Maine, du Mayne), grand-amiral et lieutenant-général du royaume, fils de François, duc de Guise, né en 1554, mort en 1611.