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à bâtir dix-sept maisons à étages, boulevard Diderot, et 1,200,000 francs furent distribués, à Paris, à titre de subvention, pour favoriser la création de maisons ouvrières.

Les immeubles du boulevard Diderot n’étaient pas aménagés de façon à abriter des familles pauvres. Seize maisons ont été louées récemment, en principale location, au prix de 106,000 francs, et sont occupées par des personnes très aisées. Les autres, comme la maison bâtie par MM. Pereire, rue Boursault, et comme l’hôtel garni élevé boulevard Mazas, au compte de l’état, échappèrent également à leur destination.

Cependant l’empereur, qui avait eu connaissance du succès obtenu en Angleterre par les sociétés que patronnait le prince Albert, ne s’était pas laissé décourager par l’échec de la cité Napoléon, Quelques années après, il fit construire, avenue Daumesnil, par M. E. Lacroix, et sur les fonds de sa cassette, quarante et une maisons qu’il offrit de donner à une société composée d’ouvriers, à la condition pour ses membres de souscrire 1,000 actions de 100 francs. La Société immobilière des ouvriers de Paris accepta cette condition, et la donation fut faite ; mais, malgré les avantages de ce marché, ces petites maisons étaient encore d’un prix trop élevé pour la classe ouvrière. Ces cottages élégans, avec leurs angles en pierre de taille et leur maçonnerie en moellons, avaient si bon aspect, étaient tellement confortables, que l’architecte, M. Lacroix, s’en fit construire un tout semblable, près de la place Pereire, pour son habitation personnelle.

Les tentatives qui précèdent n’avaient, en fin de compte, abouti qu’à des insuccès, et la première entreprise qui ait complètement réussi à Paris est celle de la Société anonyme des habitations ouvrières de Passy-Auteuil. Sur un terrain situé entre la rue Claude-Lorrain, la rue et l’impasse Boileau, elle a bâti cinquante maisonnettes, habitées par cinquante familles de choix. Les plus petites reviennent à 5,500 francs, tous les frais compris, et sont louées 220 francs, ce qui représente 4 pour 100 du capital. En y ajoutant 181 fr. 50 pour l’amortissement, on devient propriétaire de l’immeuble en vingt ans, au prix d’un loyer de 440 fr. 50. Le loyer est calculé d’après les mêmes bases pour les maisons plus grandes, et qui coûtent à la compagnie de 6,000 à 10,000 francs[1].

La société a pris ses mesures pour éloigner de ses immeubles la spéculation et l’immoralité. Elle a étudié, avec le soin le plus minutieux, tous les détails de son entreprise, de manière à ce qu’elle puisse servir d’exemple à celles qui pourront se former

  1. E. Cheysson, Note sur la Société anonyme des habitations ouvrières de Passy-Auteuil, p. 62, 1886.