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et, grâce aux emprunts qu’ils ont pu contracter sur les constructions commencées, ils ont bâti 215 maisons, d’une valeur collective de 2 millions, lesquelles étaient pourvues d’un acquéreur avant même d’être achevées. La Société immobilière d’Orléans est le seul exemple qu’on puisse citer en France d’une entreprise fondée et menée à bonne fin par des ouvriers. Elle n’a pas été à charge à la ville, car celle-ci ne lui a fait grâce du paiement d’aucun impôt. La compagnie, au contraire, a offert à la commune le sol des rues, et a contribué pour moitié aux dépenses de la viabilité.

Au Havre, une société anonyme s’est formée, en 1871, sous l’influence de M. Jules Siegfried, qui a tant fait pour l’hygiène et pour la prospérité de cette grande ville. La Société havraise des cités ouvrières s’est fondée au capital de 200,000 francs; elle a construit 117 maisons, dont les locataires peuvent devenir acquéreurs à l’aide de combinaisons financières très ingénieuses, mais qu’il serait trop long d’expliquer ici.

Le type des maisons est bien choisi. Elles sont groupées deux par deux, pour profiter du mur mitoyen. Elles comprennent quatre chambres, deux au rez-de-chaussée servant de cuisine et de salle à manger, et deux à l’étage. Elles ont un jardin sur le devant, et derrière une petite cour qui sert de débarras. Elles coûtent de 3,000 à 3,600 francs, et ce chiffre n’est pas trop élevé, pour une ville où les constructions sont chères et où le terrain est revenu à 5 francs le mètre, tandis qu’il n’avait coûté que 1 franc à Mulhouse.

Il y a quelques années, la municipalité de Rouen, reconnaissant la nécessité d’assainir une ville dont la mortalité s’élevait, chaque année, à 32 pour 1,000, prit le parti de faire disparaître, en presque totalité, le quartier de Martainville, renommé pour son insalubrité. Les habitans des maisons qu’il fallut démolir se réfugièrent dans les faubourgs et y produisirent un encombrement dangereux. On songea alors à leur construire des habitations. Un jeune ingénieur de la ville, M. Botrel, fit un projet pour créer, sur la rive gauche de la Seine, dans un lieu salubre, situé à portée des usines, une cité ouvrière dont il soumit le plan en relief et les devis au congrès tenu à Rouen, au mois d’août 1883, par l’Association française pour l’avancement des sciences. Ce projet comprenait sept types différens de maisonnettes, dont le prix, variant de 2,000 à 8,000 fr., devait être acquitté par les locataires à l’aide d’annuités comprenant à la fois le prix du loyer et l’amortissement. Il n’y a pas été donné suite; mais il s’est formé, il y a deux ans, une Sociale immobilière des petits logemens, qui a réuni un capital de 250,000 francs, avec lequel elle a acheté un terrain au centre de la ville et y a bâti de grandes maisons, contenant 100 logemens et abritant 400 personnes.