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18 établissemens de mines sur 23 avaient élevé 7,000 maisons, occupées par 31,500 personnes, dont 11,500 ouvriers mineurs. Le prix du loyer y est inférieur de 70 pour 100 à la moyenne des locations du pays.

Les entreprises dont je viens de parler concernent des usines situées à la campagne, des mines éloignées des centres d’habitation ; là, le logement des ouvriers est une nécessité de l’exploitation. Il faut que la compagnie qui les emploie leur fournisse un abri, sous peine de paralyser le travail. Il n’en est pas de même dans les villes. Là, les ouvriers peuvent se loger comme ils l’entendent, sans que le patron soit forcé de s’en mêler. Ils vont s’entasser dans des habitations malsaines, et subissent toutes les conséquences morales et physiques de ce détestable milieu ; mais l’industrie elle-même n’en est pas atteinte.

Quelques grandes villes ont essayé, toutefois, de combattre ce danger. De toutes les villes manufacturières, Lille était celle qui appelait le plus impérieusement une réforme dans les habitations ouvrières. Les caves dans lesquelles la population pauvre y vivait enfouie ont acquis une triste célébrité, et le mal allait grandissant, sous l’influence de l’immigration toujours croissante que provoquait le développement de son industrie. La ville, enserrée dans ses fortifications, ne pouvait s’étendre, et l’habitation humaine était sacrifiée à l’installation des filatures et des tissages. La démolition de l’enceinte a permis de porter un remède à cet état de choses véritablement navrant, et tous les dévoûmens sont venus en aide à l’administration municipale, pour hâter l’amélioration des logemens ouvriers.

Une compagnie immobilière s’est fondée, par acte du 7 novembre 1867, au moyen d’une souscription de 600,000 francs et d’une subvention de 100,000. Elle a construit 243 maisons, sans avoir besoin de faire appel à la garantie d’intérêt promise par la ville, et en payant régulièrement aux actionnaires 5 pour 100 d’intérêt[1]. Le bureau de bienfaisance, de son côté, a bâti un groupe important de maisons, dans lesquelles la réduction du loyer est appliquée, à titre de secours donnés aux ouvriers indigens.

La ville d’Orléans a donné la preuve de ce que peut faire, en pareil cas, l’initiative individuelle. En 1879, deux ouvriers maçons, ne disposant d’aucun capital, sans autre appui que le concours de quelques personnes désintéressées, ont fondé une société au capital nominal de 200,000 francs, mais, en réalité, avec une somme de 76,900 francs seulement. Ils ont émis 769 actions de 500 francs,

  1. E. Cheysson, la Question des habitations ouvrières en France et à l’étranger, p. 56. Paris, 1886.