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suivre dans la voie des constructions à bon marché. Il a fallu les grèves du Borinage, en 1886, pour attirer l’attention sur ce point. Le premier moment de stupeur passé, la répression achevée, le gouvernement s’adressa aux chambres, pour leur demander leur concours, afin d’empêcher le retour de ces scènes lamentables. Il les convia à s’occuper des problèmes sociaux intéressant les classes ouvrières, et, avant de procéder aux réformes, il institua une grande commission dite du travail[1], composée de sénateurs, de députés, d’économistes, de négocians et d’industriels auxquels il associa le conseil supérieur d’hygiène pour la partie relative à la salubrité des habitations. Le ministre de l’agriculture et du commerce, qui présidait cette assemblée, esquissa à grands traits le programme des études à poursuivre et dressa le questionnaire d’après lequel les informations devaient être recueillies.

Le 13 novembre de la même année, la commission du travail adopta les conclusions qui lui furent présentées[2]. Les propositions, extrêmement libérales, tendaient à une réforme fiscale des plus importantes. Elles se prononçaient pour l’exonération complète des constructions ouvrières. Elles les affranchissaient des impôts, des taxes, des droits de mutation, et autorisaient les administrations charitables à consacrer une partie de leurs capitaux à cette entreprise.

Des mesures aussi bien comprises, et appuyées par l’autorité d’une commission de cette importance, ne pouvaient pas manquer de porter leurs fruits. Sept compagnies se sont formées en Belgique et ont déjà construit 869 maisons, abritant 1,863 ménages et 8,547 personnes. La dépense s’est élevée à 8 millions pour le premier établissement, et les capitaux engagés rapportent 3 pour 100 en moyenne. C’est assurément peu de chose que de loger 8,000 à 9,000 personnes, dans un pays qui a près de 6 millions d’habitans et dont presque toute la population s’adonne à l’industrie; mais ce n’est qu’un premier essai, qu’une expérience toute récente, et, en pareille matière, l’essentiel c’est de bien commencer.

En Hollande, les faubourgs de toutes les villes sont remplis de maisonnettes habitées par des ouvriers. Amsterdam faisait exception; mais, depuis quelques années, il s’y est formé des compagnies qui ont construit de petites maisons salubres, dont le loyer revient à 300 francs pour deux chambres. Bien que ce prix soit trop élevé, les ouvriers se les disputent et désertent à l’envi les logemens sordides qu’ils occupaient dans les combles des maisons bourgeoises, ou dans des caves sombres, humides et parfois inondées.

  1. Arrêté royal du 15 avril 1886.
  2. Raffalovich, le Logement de l’ouvrier et du pauvre, p. 467.