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par de grandes démolitions. Son champ d’activité est plus modeste; mais les résultats qu’elle obtient sont excellens, parce qu’elle agit directement sur la classe la plus pauvre, celle que les grandes sociétés de construction ne peuvent pas atteindre.

Un des administrateurs du fonds Peabody, interrogé par le marquis de Salisbury sur la ligne de conduite à tenir pour parvenir à loger les indigens, lui répondit : « Nous n’avons aucun moyen de donner des chambres au-dessous de 2 fr. 50 par semaine. Celui qui gagne 2 fr. 50 par jour peut payer ce loyer. Quant à ceux dont le salaire est inférieur, cela regarde miss Octavia Hill[1]. »

Elle a commencé, en 1865, par acheter trois pauvres maisons, dans une des cours les plus sales du quartier de Marylebone ; peu après, elle en acquérait six autres. Ces maisons étaient dans le délabrement le plus complet, et les propriétaires s’épuisaient en menaces, sans parvenir à se faire payer par leurs incorrigibles locataires. En quelques mois, la transformation fut complète. Miss Octavia Hill chassa ceux dont l’inconduite était notoire, retint les autres, fit peu à peu assainir et réparer leurs chambres, dont les loyers furent dès lors régulièrement acquittés. Elle a donné depuis de l’extension à son œuvre, mais elle n’a pas modifié sa façon d’opérer. Elle améliore les immeubles, mais elle ne les rebâtit qu’à la dernière extrémité. Comme elle est en communication personnelle avec ses locataires, elle fait peu à peu leur éducation au point de vue de la propreté, de l’hygiène et de la morale. A force d’habileté et d’économie, elle arrive à faire rendre près de 5 pour 100 à son capital.

L’œuvre de miss Octavia Hill a d’abord excité la surprise ; mais quand on s’est aperçu qu’elle avait transformé des maisons infectes, relevé le moral des familles qui les habitaient et ranimé les vertus du foyer, beaucoup de femmes l’ont imitée, et aujourd’hui on trouve, dans tous les quartiers de Londres, des personnes qui visitent les logemens des pauvres et qui s’attachent à les améliorer. « c’est ainsi, dit M. Picot, que l’œuvre grandit et prospère, et le bien que les sociétés de capitalistes ne peuvent faire se trouve réalisé par quelques femmes qu’anime l’esprit de charité. »

Lorsqu’il s’agit de logemens à construire et qu’on opère en pleine liberté, il faut choisir entre deux types complètement différens et dont j’aurai plus tard à apprécier la valeur relative : la maisonnette et l’habitation collective. Tous deux se retrouvent dans les groupes d’habitations élevées par les compagnies anglaises. Deux d’entre elles ont adopté le premier de ces types. La principale est la Compagnie générale des habitations ouvrières (artisans’, labourers’, and

  1. G. Picot, le Devoir social, p. 124.