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malgré son autorité et la force de ses convictions, il n’avait pas pu parvenir à faire partager ses idées aux capitalistes qui auraient pu les appliquer. Cependant, le 15 septembre de cette même année, une association se fondait, sous son impulsion, pour bâtir des maisons ouvrières et y loger de pauvres familles, moyennant un faible loyer perçu chaque semaine. En 1845, cette société obtint, par l’entremise de sir Robert Peel, sa charte d’incorporation et, le 14 juillet 1848, le prince Albert visitait la première maison construite par l’Association métropolitaine pour l’amélioration de logemens des classes ouvrières.

D’autres compagnies se formèrent peu à peu ; mais le nombre des immeubles construits par elles était bien loin de répondre à l’accroissement continu de la population ouvrière, et le mal allait toujours croissant, lorsqu’en 1883 l’attention du grand public fut vivement appelée sur ce sujet, par une brochure qui dépeignait la situation sous les plus sombres couleurs et qui fit le tour de l’Angleterre. La presse répondit à ce cri d’alarme, et les deux chambres s’en émurent à leur tour. La question prit immédiatement place parmi les préoccupations politiques. Les partis firent trêve à leurs dissentimens, pour demander, avec une égale ardeur, qu’il fût procédé à une enquête, et le prince de Galles réclama l’honneur de faire partie de la commission.

L’enquête terminée, le rapport publié, un bill fut soumis au parlement. Une entente s’établit entre le gouvernement et l’opposition. D’un commun accord, on écarta tout ce qui aurait pu provoquer de longs débats et soulever une résistance. Cet accord nécessita des concessions réciproques, qui restreignirent considérablement la portée de la loi. Lord Salisbury se chargea de la défendre à la chambre des lords, et sir Charles Dilke à la chambre des communes. C’est ainsi que fut votée la loi de 1885 (Housing of the Working classes act] ; mais elle n’a pas produit les résultats qu’on en attendait.

L’initiative privée a été plus efficace. Elle a continué son œuvre avec une activité surexcitée par les circonstances que je viens de retracer. Aujourd’hui, les nombreuses compagnies qui se sont formées, et dans l’historique desquelles je ne saurais entrer, abritent 29,643 familles, composées de 146,809 personnes. Elles ont dépensé pour arriver à ce résultat 6,581,481 livres sterling (164,528,925 fr.). Ces résultats considérables ont été obtenus en grande partie par des sociétés de construction, par des corporations publiques ou par des entrepreneurs, qui, tout en se contentant d’un bénéfice modique, avaient cependant à se préoccuper de l’intérêt de leurs fonds; mais il en est d’autres qui doivent leur existence à des fondations charitables et pour lesquelles ce souci n’existe pas. Tel est le cas de la