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ciel, c’est un très pur sacrifice, un holocauste dont la flamme est parfumée d’une odeur de suavité divine, et que vous offrez, sur l’autel de votre cœur, à la majesté invisible, en perpétuelle mémoire pour vous et notre très excellente fille et commère spirituelle, madame la reine, et pour vos très nobles et très excellens fils et pour toute votre descendance chère au Christ. » En même temps que les biens spirituels, l’église procure au roi les biens temporels, dont le premier et le plus précieux est la victoire. Dieu abat les ennemis des Francs, Dieu prié « par saint Pierre et par les Romains, qui chaque jour, même la nuit, chantent le Kyrie eleison, afin d’obtenir pour le roi des victoires copieuses. » Charlemagne sera vainqueur « sur toutes les nations barbares. » Toutes seront humiliées sous son bras et baiseront la trace de ses pas. « Sur l’univers s’étendra son royaume splendide. » Charlemagne aimait à se sentir accompagné par ces vœux et ces prières. Après une campagne victorieuse contre les Saxons, il demande un jour ou deux de litanies au pape, qui lui en accorde trois. Lui qui a montré, au temps de ses différends avec le pontife, la froide réserve que lui commandait la politique, il multiplie les preuves de son affection. Il a trouvé le moyen de venir à Rome trois fois. Il exprime le désir d’avoir souvent, par lettres ou par légats, des nouvelles de son auguste ami, car il semble avoir éprouvé pour Hadrien une véritable amitié. Il s’exprime en termes touchans à la mort du pontife ; dans la première lettre adressée à son successeur, il nomme Hadrien son père très chéri, son ami très fidèle ; il rappelle la très douce familiarité qui les unissait. « Quand j’y pense, je deviens si triste que je ne puis retenir mes larmes. »


VI.

À la fin de l’année 795 mourut le pape Hadrien. Il avait vu Charles ajouter la gloire à la gloire et les conquêtes aux conquêtes, mais il l’avait connu avant les grands succès, en un temps où il se pouvait croire supérieur à ce Germain. Son successeur Léon III trouvait Charlemagne établi dans la puissance. Il lui parla, dès l’abord, avec une révérence profonde, lui promettant « l’obéissance de son humilité. » La première salutation que le roi lui envoie tombe de haut : « À moi de défendre, avec l’aide de Dieu, la sainte église contre l’incursion des païens et la dévastation des infidèles, de la fortifier au dedans par l’établissement de la vraie foi. À vous, très saint-père, d’aider comme Moïse, de vos mains levées vers Dieu, mon armée qui combat, afin que le peuple chrétien, conduit par Dieu,