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Au collège, pendant des classes réglées, il n’est guère possible de donner de sérieuses notions sur la nature vivante; les sujets à traiter sont nombreux, et dans une salle ils ne forcent point à l’observation. S’agit-il de plantes, le professeur a sans doute devant lui quelques fleurs coupées, quelques images propres à la démonstration. Assis près les uns des autres, les écoliers restent assez distraits ; la leçon passe, et le résultat en est bien faible. Que ces mêmes auditeurs soient en excursion botanique, quel changement! Comme ils vont fureter à la recherche d’une plante qui a été signalée! Un des écoliers apporte une tige de bouton d’or; un autre une touffe de potentilles, un autre a découvert une campanule. Aux élèves des classes inférieures, dans le groupe qui se presse autour de lui, le maître dit le nom de la plante et montre de la fleur les particularités les plus saisissantes. Aux élèves plus avancés, le professeur explique les caractères des végétaux qui viennent d’être recueillis ; on marque la forme, on énumère les usages et les propriétés. Les indications se transmettent, se répètent entre les enfans, et deux heures d’une pareille promenade laissent des traces profondes. De telles promenades, renouvelées pendant toute la durée des études, impriment dans l’esprit des jeunes gens un ensemble de connaissances presque ineffaçables. Ceux qui, entre l’âge de quinze et vingt ans, ont suivi les herborisations conduites par un de nos éminens professeurs, n’ont jamais tout à fait oublié ce qu’ils ont appris sur la végétation du pays, dans l’espace d’une saison. Pour entrer plus ou moins dans l’intimité de la vie des plantes ou des animaux, il convient de se familiariser d’abord avec le nom, l’aspect, les traits essentiels des sujets les plus vulgaires. Plus tard seulement, on s’occupera de la structure ou de l’organisation de ces êtres, de leurs affinités naturelles, de leur classification. A des étudians qui n’ont encore nulle conception des objets dont on veut les entretenir, traiter des caractères des familles, d’ordres, de classes, est une idée aussi malheureuse que de parler de grammaire et de syntaxe à des enfans, et même à de grandes personnes qui, voulant apprendre une langue, n’en possèdent encore ni les mots les plus ordinaires, ni les phrases les plus usuelles.

Pour mieux comprendre l’agrément des leçons de sciences, en particulier des leçons d’histoire naturelle que les enfans reçoivent au lycée de la campagne, on acceptera bien de se mêler un peu aux élèves. Au moins deux fois par semaine, au printemps, en été, en automne, s’effectueront les excursions. On est à la fin d’avril ou aux premiers jours de mai. C’est à l’heure matinale ; mais déjà l’air est tiède, la classe conviée à la promenade scientifique est animée d’un beau zèle, et après une assez belle course, la bande entière