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en éloigner? Presque personne, croyons-nous. Si l’on y a pensé, c’est au point de vue de la bonne installation, de l’hygiène, de l’air propice à la santé. A merveille ; mais ce n’est nullement avec l’idée d’en tirer profit pour les études. Or, c’est en raison des avantages pour les études que nous voudrions rendre aux enfans et aux adolescens l’instruction attrayante, souvent même récréative, et que nous venons tenter, pour servir les intérêts des générations qui se succèdent, de soulever un mouvement d’opinion.

Pour instruire, il y a une méthode naturelle ; seuls, quelques philosophes l’ont compris. C’est la méthode qui consiste à s’identifier avec les goûts, avec les penchans, avec les aptitudes les plus ordinaires aux jours de l’enfance et de l’adolescence ; celle qui conduit à diriger l’esprit sur les sujets de l’intérêt le plus immédiat pour les sociétés humaines, et en même temps les plus propres à élever le sens moral et le sens intellectuel. L’instinct de l’enfant est une indication. N’en pas tenir compte est aussi fou que de méconnaître les instincts de l’ordre purement matériel. Les parens s’indignent ou s’affligent de voir les enfans avides de fruits verts. Il a fallu que des gens éclairés vinssent déclarer que l’appétence des enfans pour les fruits acides ou astringens répond à un besoin qui assure le meilleur fonctionnement de l’appareil digestif. Ce qui est bon dans le jeune âge sera mauvais dans un âge plus avancé; il convient de ne pas l’ignorer. Garçons et fillettes se plaisent à pousser des cris; c’est fort ennuyeux pour les personnes qui détestent le bruit, cependant on aurait tort de vouloir réduire les enfans à un silence trop prolongé. En jetant des cris, ils obéissent à un instinct indispensable pour amener le développement du larynx, et par suite rendre la voix sonore. Il a fallu que de graves penseurs en fissent la démonstration.

Tout enfant, même le moins doué, apprend à parler et arrive de très bonne heure à comprendre et à exprimer tout ce qui se rapporte à des sujets tangibles. Bientôt, comme s’il découvrait les objets qui l’entourent, il y porte attention et s’informe et des noms et des usages. Il prend intérêt à la plante qui épanouit ses fleurs ; il considère avec une sorte de passion l’animal dont la vie se manifeste par des actes saisissans, et tout de suite il demande comment on l’appelle. Qu’on mette donc à profit cette disposition, ainsi que plus d’une fois le réclamèrent des hommes d’étude, et l’enfant se trouvera, sans beaucoup d’efforts, en possession de notions utiles sous le rapport de la vie matérielle et de connaissances qui poussent l’âme vers les sentimens délicats, vers les hautes aspirations. On aura fait usage de la méthode naturelle.