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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril.

Des agitations sans but, des confusions de partis et de gouvernement, des fantasmagories de dictature passant à travers des visions d’anarchie, des tapages de places publiques, des effaremens d’opinion, est-ce bien une vie digne d’un peuple qui se respecte et qui tient à être respecté ? C’est pourtant la vie qui est faite à la France, aui a eu ces dernières semaines une phase de recrudescence maligne.

Que se passe-t-il, en effet, depuis quelques jours ? L’élection de M. le général Boulanger dans le Nord, suivant de si près l’élection de la Dordogne, a mis visiblement, comme on dit, le feu aux poudres ; elle a donné, pour ainsi dire, un corps, un programme, un mot d’ordre à une agitation qui s’est traduite aussitôt dans les manifestations et les sarabandes dont les rues de Paris ont été un moment remplies et troublées. Sur ces entrefaites, les chambres se sont réunies sans trop savoir où elles en étaient, — en attendant de se séparer encore une fois aujourd’hui. Le ministère radical nouveau-né, aussi embarrassé que les chambres, n’a trouvé rien de mieux que de s’interpeller lui-même avant d’être interpellé plus sérieusement, et de solliciter un bill de confiance qui ne lui a pas été refusé. C’est fort bien ! On a passé ces quelques jours à se demander ce qui allait arriver, ce que signifiait cette élection d’un homme, d’un chef militaire frappé la veille comme indiscipliné, et allant le lendemain, en voiture de gala, à travers la foule, au Paiais-Bourbon. On a crié ou laissé crier dans la rue. On s’est expliqué dans le parlement, on a parlé du « manteau troué de la dictature ! » M. Floquet a eu, tant bien que mal, le « bon billet » de confiance nécessaire à sa suffisance. Pendant ce temps, M. le président de la république, réalisant ses projets de voyage, est allé recevoir, sur la Garonne, les ovations que méritait son honnête personne, dont il a trop de bon sens pour s’exagérer la valeur ; — et, tout bien compté, on