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ou de M. Bard, mais enfin il était de même nature, et amenait à la même conclusion.

Je dirais donc volontiers aux lecteurs de cette Revue : « Faites une sorte d’enquête autour de vous, et vous serez étonnés de trouver quantité de faits du même ordre: hallucinations véridiques, pressentimens, sympathies se manifestant à distance, rêves, parfois réalisés, concernant des incendies, des chutes, des accidens graves, etc. »

Si tout cela était fantaisie, certes, on n’en parlerait pas autant, et une pareille opinion n’existerait nulle part, ni en France, ni en Italie, ni en Angleterre, ni en Allemagne. Au contraire, plus on approfondit les sentimens intimes des gens avec qui on parle, et cela dans toutes les classes de la société, plus on retrouve cette vague notion de l’hallucination au moment de la mort, existant chez les habitans des villes comme parmi les gens de la campagne, dans le sud comme dans le nord de l’Europe.

Je me demande même comment le livre des Phantasms of the living aurait pu être écrit, s’il ne reposait que sur de pures illusions, sur des mensonges et des faux témoignages. L’Angleterre serait un pays de fourbes et d’imposteurs, puisque six cents personnes, qui passent pour les plus honorables du monde, auraient pris part à cette immense duperie.

Mais cette conclusion est si absurde, que pas un homme de bon sens ne pourra l’accepter... Je parle de ceux qui étudieront la question ; car il en est beaucoup qui, pour toute réponse, auront un sourire ironique ; ce qui dispense, comme on sait, de toute critique et de tout examen.

Alors que conclure? Car, enfin, il n’est pas admissible qu’il y ait des revenans dans le sens que le vulgaire attache à ce mot. J’ai parlé plus haut de fantômes ; mais il n’est pas un homme raisonnable qui puisse croire à un fantôme, tant qu’on n’aura pas démontré sa réalité par des phénomènes extérieurs manifestes, par une action chimique sur des plaques photographiques, je suppose, ou par le mouvement d’objets matériels. Donc nous n’admettons aucunement l’existence de ces revenans. Nous supposerons, ce qui est beaucoup plus simple et par conséquent plus vraisemblable, qu’il s’agit là d’hallucinations. Ce sont certainement des hallucinations, mais des hallucinations véridiques, suivant la très heureuse expression de M. Myers, c’est-à-dire hallucinations étant en rapport avec la réalité des choses.

Ainsi, M. Bard, voyant Mme de Fréville se promener auprès de la tombe de son mari, a eu une hallucination, en ce sens que l’image de Mme de Fréville n’avait aucune réalité en dehors de l’esprit de M. Bard, et qu’un appareil photographique quelconque n’eût absolument rien indiqué. C’était donc une hallucination de M. Hard,