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la folie de ceux qui pensent être les plus sages ne le permet pas. » Et ce cri d’allégresse dont il salue les succès du Béarnais, qu’il sait être appelé à régénérer la France épuisée : « Victoire ! Victoire ! Victoire ! Car pourquoi ne cornerais-je par tout l’univers la miraculeuse victoire du roi à Ivry? »

Il avait été de tout temps sympathique au roi de Navarre ; il chérissait le caractère du roi des Gaulois et des Français, il le considérait comme le meilleur obstacle à l’ambitieuse poussée de fortune des princes lorrains. Il se rallia à lui de grand cœur quand Henri III périt. La mort du dernier des Valois l’affligea plus qu’elle ne méritait ; il avait pour ce triste monarque plus que des sentimens de fidélité : il l’aimait de pitié, un peu comme un enfant moins à blâmer qu’à plaindre. Au surplus, Henri III avait eu des égards pour son mérite et lui avait donné, en 1585, la charge importante d’avocat-général à la cour des comptes. Pasquier fut donc de ceux qui lui demeurèrent attachés après les Barricades et même après le crime de Blois; il vit cependant ce crime de bien près, car il était député aux états de 1588. Il ne rentra dans Paris qu’avec Henri IV victorieux, en 1594. Il ne cessa de jouir de l’estime et de l’amitié de ce bon roi, malgré les grondeuses remontrances qu’il lui prodiguait en vieux serviteur, en toute liberté. Il prit sa retraite en 1604 ; il était âgé de soixante-seize ans, et Dieu lui réservait encore onze années de vie, qu’il passa dans sa maison, occupé de sa famille, des intérêts de son âme et de sa chère littérature, et les yeux fixés curieusement sur la grande scène du monde, dont il ne se désintéressa jamais.

Ses plus belles lettres sont, à notre goût, celles qu’il écrivit durant cette dernière période de sa carrière ici-bas. Trois surtout nous plaisent à tel point que nous les voulons signaler.

L’une est adressée à son fils Nicolas, maître des requêtes de l’hôtel du roi et lieutenant-général à Cognac, qui avait adopté la vie de province et ne voulait pas consentir que ses enfans se mariassent ailleurs qu’en Angoumois. Or il se trouvait qu’une des filles de Nicolas Pasquier, élevée à Paris chez son grand-père, y avait entendu parler son cœur. Le vieil aïeul prit en main la cause de l’enfant, et la plaida en des termes charmans et forts : « Nous devons aimer chacun de nos enfans pour l’amour de lui principalement, non de nous. » On apprend avec regret, par le livre de M. Audiat sur Nicolas Pasquier, que l’avocat ne gagna point son procès. Pourtant les fils d’Etienne Pasquier le vénéraient. Il leur avait toujours parlé d’assez haut, mais avec de l’affection ; ils lui devaient leurs progrès dans le monde et l’illustration du nom qu’ils portaient, et le bonhomme aimait assez à le leur rappeler.

Une autre lettre, adressée au président Achille de Harlay, nous