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Je vois tel être un sot qui contrefait le sage,
Un sage bouffonner pour un autre regard,
Qui fâcheux, qui fâché, l’un doux, l’autre hagard.
Chacun diversement jouer son personnage.

De l’amour je me moque et encore de moi,
Et m’en moquant j’attends le semblable de toi.
Je joue au mal content pour contenter ma vie.

Ayant mon pensement sur ce monde arrêté
Et voyant que ce tout n’est rien que vanité.
Bien vivre et m’éjouir, c’est ma philosophie.


Lisons encore ces six vers de la Pastorale du vieillard amoureux :


En me lisant, ne pensez pas pourtant
Qu’un jeune objet m’aille ainsi tourmentant,
Comme j’en fais par mes vers contenance :
Je ne vis point en cet heur malheureux.
Je suis de moi seulement amoureux,
Et autre mal en mon cœur je ne pense.


Ils résument à merveille toute l’inspiration de Pasquier poète : elle est purement gauloise au fond, et cela lors même qu’il imite jusqu’à les copier les Latins ou les Italiens modernes.

Il nous a conté qu’il se divertissait à faire des vers, soit à la Catulle, soit à l’Horace, soit à la Pétrarque : « Ces vers, a-t-il dit, me sont ce que sont aux autres un jeu de prime, de flux, de glic, de renette, de trictrac ou de lourche... Je conserve ainsi le bon ordre dans le petit monde établi en moi par Dieu. » Lui-même aimait le jeu de quilles et s’y livrait. On peut s’étonner qu’après avoir souvent et longuement blâmé le goût d’écrire en latin, il ait usé de cette langue pour rimer. Il ne fut pas plus inconséquent en cela que ses amis de la pléiade : ce fut en latin que Daurat félicita du Bellay d’avoir lutté pour la langue française, et du Bellay plaça la pièce latine de Daurat en tête de sa Défense et illustration de la langue française. C’est pourquoi nous devons passer à Pasquier d’avoir querellé sa femme légitime en vers latins, par pur badinage du reste, comme d’avoir célébré, en vers latins aussi, une Sabina pour qui il vécut bien de bonnes heures de loisir à gémir, à soupirer, à rougir, et qui, nous avoue-t-il, n’exista jamais.

Pasquier écrivit encore, pour s’égayer, quatre ouvrages en prose d’inégale importance : le Monophile, les Colloques d’amour les Lettres amoureuses, les Ordonnances d’amour. Sainte-Beuve a dit que les Ordonnances d’amour étaient « comme les saturnales extrêmes