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toute sa vie, le publiant par parties et le retouchant sans cesse; il n’y fit la dernière correction que peu d’heures avant sa mort, et le premier livre en avait paru dès 1561. Son but fut de « revancher la France contre l’injure des ans, » c’est-à-dire de restituer ses annales par de savantes recherches et de montrer que les gloires en valaient celles des annales de la Grèce et de Rome. Les Recherches sont, à bien prendre, l’un des premiers essais d’histoire générale qu’un Français ait entrepris pour son pays d’après les bons documens. Les Antiquités gauloises et françaises de Claude Fauchet ne parurent que près de vingt ans après le premier livre des Recherches. Les modernes progrès de l’érudition ne doivent pas nous rendre injustes pour un tel effort. Augustin Thierry a fort mauvaise grâce à ne pas reconnaître suffisamment le merveilleux mérite de celui qui l’a tenté. Il faut aussi s’incliner avec respect devant la flamme de patriotisme qui d’un bout à l’autre éclaire et réchauffe les Recherches : on sent bien qu’à le considérer d’une certaine façon, elle peut prêter à rire; car, encore une fois, c’est sur les autels des patries antiques, ces rivales jalousées, qu’elle s’est allumée si vive, et par ailleurs il est plaisant devoir cet homme, issu des trois races, se passionner pour les Gaulois contre les Romains et contre les Francs; mais d’où qu’il vienne, où qu’il aboutisse, c’est si bon de voir naître et s’affirmer un chauvinisme au siècle de Montaigne ! La conception de l’ouvrage destiné à glorifier la patrie française est digne d’elle et grandiose; il se divise en neuf livres, où l’auteur traite tour à tour : des origines de la France; des institutions politiques de nos pères; des rapports du saint-siège avec la France ; des coutumes, lois procédures, etc.; des principaux événemens sous les trois dynasties de nos rois; de la poésie française ; de différentes questions de philologie et d’orthographe ; de l’Université de Paris, du droit romain, etc.

Ainsi que le patriotisme, le royalisme et le gallicanisme animent bien manifestement l’auteur des Recherches de la France. Pour Etienne Pasquier, être bon gallican, ce n’était pas seulement être bon Français, c’était encore être bon catholique : « Si vous parlez seulement à celui qui est nourri en cour de Rome, a-t-il écrit au livre M. il dira que l’église gallicane a été perturbatrice du repos général de l’église romaine, pour s’être opposée aux entreprises du pape; et, néanmoins, s’il vous plaît approfondir toutes choses à leur vrai point, vous ne ferez nul doute qu’à cette France ne soit due la restauration générale de l’église romaine, car qui eût laissé en cette façon fluctuer toutes les affaires comme elles faisaient, certainement le siège de Rome, voulant prendre son vol trop haut, se fût abîmé; et, de fait encore, n’y sûmes nous donner si bon ordre qu’il n’y ait perdu de ses plumes... Les hussites et Luther naquirent des abus de la papauté... Nous seuls, qui perpétuellement avons fait tête à l’église