Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 87.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
UN
GAULOIS DE LA RENAISSANCE

ETIENNE PASQUIER.

S’il est vrai que la gloire des bonnes lettres soit d’accroître l’humanité des hommes en enrichissant leur âme, il doit paraître intéressant d’étudier les écrivains de la renaissance : en aucun temps, croyons-nous, les lettres n’ont fait au monde des dons plus magnifiques et plus rapides; comparer l’honnête homme du siècle de Louis XIV au Gaulois du commencement du XVIe siècle, c’est mesurer le progrès que la renaissance a fait faire à la pensée française.

Les écrivains de la renaissance sont des Gaulois qui changent. On ne les sent bien, on ne les goûte guère, qu’en les comprenant ainsi. Leur effort afin de s’améliorer et de devenir plus grands, leur rêve généreux et confus de gloire pour eux et pour ceux qui les suivront, sont ce qui plaît le plus en eux. Nous les estimons en raison de leur courage, de leurs intentions, de leur zèle à nous initier aux belles pensées des étrangers, bien plutôt qu’en raison de leurs livres mêmes. Ceci pourtant n’est vrai ni de Rabelais ni de Montaigne ; mais la fortune du nom d’Amyot, simple traducteur de Plutarque, n’en est-elle pas une preuve? l’histoire littéraire n’a pas exigé des hommes du XVIe siècle, pour garder pieusement leur mémoire, qu’ils eussent fait œuvre de génie : elle les honore pour les générations qu’ils ont préparées.