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proclamer l’instituteur, fils de Luther, héros de l’Allemagne moderne, vainqueur de Sadowa ! M. Janssen réunit une foule de documens destinés à prouver à quel point les écoles élémentaires prospéraient avant la réforme ; à quel point, aussitôt après, elles tombent en décadence. On ne connaissait pas, il est vrai, au XVe siècle, l’école neutre, sécularisée. L’instituteur secondait les efforts du clergé ; sa position n’était pas moins satisfaisante et considérée : « On n’entend nulle part les maîtres se plaindre de l’insuffisance de leurs traitemens. » M. Janssen cite l’exemple d’un simple instituteur, aussi largement rétribué qu’un chambellan.

L’enseignement secondaire n’est pas moins répandu. Les lettres classiques étaient l’objet d’une étude assidue. Mais ce qui distingue les anciens humanistes, l’école de Rodolphe Agricola, le Pétrarque allemand, des nouveaux humanistes, ennemis acharnés de l’église, fauteurs de la renaissance païenne, initiateurs de la réforme, c’est que les premiers cherchaient dans l’étude des classiques non des argumens contre le christianisme, mais les plus nobles inspirations au service des intérêts religieux. Développer les aptitudes et les capacités de l’enfant, mais avant tout les ennoblir et les perfectionner, tel était le principe qui dominait cette pédagogie chrétienne. L’éducation de l’école n’est que le complément de celle que l’enfant reçoit dans la famille. Elle est fondée sur le principe de l’autorité paternelle absolue, sur une piété sévère, étrangère d’ailleurs à nos mièvres et fades tendresses :


À l’école, comme dans la maison paternelle, régnait une discipline qui convenait à tous égards à cette génération vigoureuse et rude ; la verge et le bâton gouvernaient. L’empereur Maximilien lui-même reçut dans sa jeunesse des coups bien appliqués de la main de son maître, et le margrave Albert de Brandebourg, dans un voyage qu’il fit en 1474, annonçait à sa femme qu’aussitôt après son heureux retour, il se proposait de poivrer, avec la verge, elle, son jeune fils, le petit Albert, et les demoiselles.


Rien de plus caractéristique de ces mœurs scolaires que la fête des verges, tableau de genre gracieux et animé comme une sortie d’école de Decamps, et que nous citons, d’après la traduction française, à titre d’exemple des détails pittoresques que M. Janssen donne sur le vieux temps.


Dans bien des localités avait lieu annuellement, en été, la procession des verges. Conduite par ses maîtres et accompagnée par la moitié des habitans de la ville, la jeunesse des écoles se rendait au