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des batteries et des postes fortifiés. Le lendemain, un second débarquement acheva de détruire les défenses de la ville. Les canons furent encloués ou jetés à la mer, les poudres noyées, les barques coulées à fond. Alors les montagnards des environs descendirent en foule sur Mogador, qu’ils mirent à sac. Le consul anglais et quelques autres Européens qui s’étaient obstinés à rester dans la place furent trop heureux d’être recueillis par l’escadre française.

Après avoir laissé 500 hommes bien établis dans l’île et quelques-uns de ses bâtimens dans le port, le prince de Joinville revint à Cadix avec la plus grande partie de l’escadre.


VII

Plus encore que la victoire d’Isly, les succès de la flotte française excitèrent dans Londres une émotion vive. Le premier ministre, sir Robert Peel, était de plus en plus sombre et inquiet. « Il accueillait, dit M. Guizot dans ses mémoires, tous les renseignemens, tous les bruits qui lui parvenaient sur les immenses travaux que nous faisions, disait-on, dans tous les ports d’où l’Angleterre pouvait être menacée, à Dunkerque, à Calais, à Boulogne, à Cherbourg, à Saint-Malo, à Brest. Il se refusait à regarder nos assurances pacifiques et amicales comme des garanties suffisantes, et il insistait auprès de ses collègues pour que l’Angleterre se préparât promptement et largement à une guerre qui lui paraissait probable et prochaine. C’était contre ces dispositions et ces appréhensions du premier ministre que lord Aberdeen avait à défendre la politique de la paix ; il le faisait avec une habileté parfaitement loyale, opposant aux vaines alarmes de sir Robert Peel une appréciation plus juste et plus fine, soit des événemens, soit des hommes, soit des chances de l’avenir. »

Ce fut l’opinion de lord Aberdeen qui prévalut ; mais il importait que la paix entre la France et le Maroc ne tardât pas trop à se conclure. Le Maroc en prit l’initiative, d’abord par un message que Mouley-Mohammed adressa, le 1er septembre, au maréchal Bugeaud, puis par une lettre de Sidi-Bou-Selam au prince de Joinville. « J’atteste par ces présentes, disait expressément le pacha d’El-Araïch, que j’ai entre les mains l’ordre de l’empereur de faire la paix avec vous. »

Le maréchal Bugeaud aurait bien voulu présider aux négociations, mais la diplomatie refusa de se ranger sous la tutelle militaire. Les plénipotentiaires français, M. de Nion et le duc de Glücksberg, s’abouchèrent à Tanger, le 10 septembre, avec Sidi-Bou-Selam,