Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 86.djvu/801

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intéressés dans leur propre cause, en concluent à la nécessité d’appeler tous les citoyens du pays sous les drapeaux, rien que pour favoriser l’éducation nationale. A en croire le chef du grand état-major allemand, ce ne sont pas les maîtres d’école qui ont gagné les batailles de l’Allemagne, mais les éducateurs de la nation, l’état militaire, qui va avoir élevé bientôt soixante-quinze classes de soldats. Grâce au régime militaire en vigueur depuis les guerres de la délivrance, soixante-quinze classes de jeunes gens ont été successivement dressées à l’ordre, à la valeur personnelle, à l’amour de la patrie. Aux yeux du maréchal de Moltke, l’éducation importe plus que le savoir, parce que m’le savoir ne donne pas l’abnégation voulue pour le service de son pays. » C’est aussi l’avis de M. Hœnig, dont l’ouvrage sur la discipline constitue, du commencement à. la fin, un plaidoyer convaincu pour subordonner l’instruction scientifique de l’homme à l’éducation morale. Appelé à garantir l’ordre social à l’intérieur et au dehors le respect de la nation, le citoyen formé aux armes doit recevoir une éducation dirigée de manière à régler ses actes par la persuasion intime du devoir à accomplir, non par la crainte de la répression en cas de défaillance. Parce que, dans les mœurs populaires, la morale est inséparable de la religion, les rois de Prusse ont veillé constamment à maintenir le sentiment religieux au sein de leur armée, où le service divin a toujours été un service imposé par les règlemens disciplinaires. En un mot, la discipline militaire bien comprise, plaçant les qualités morales du soldat au-dessus de l’instruction, aspire avant tout à former le caractère et à développer le sens du devoir, le respect de la loi, l’amour de la patrie.

On a beaucoup exagéré le rôle du maître d’école dans les victoires des Allemands en Bohême et en France. Si la discipline des troupes allemandes a été exemplaire, il y a à rabattre considérablement sur le degré d’instruction des soldats. Pour gagner des batailles, il ne suffit pas d’ailleurs de savoir lire et écrire. L’auteur du traité sur la discipline au point de vue de l’armée, de l’état et du peuple, nous apprend que les recrues enrôlées dans sa compagnie ont peu conservé de ce qu’ils apprennent sur les bancs de l’école. Pendant des années, il s’est efforcé de constater le degré d’instruction de ses recrues. Or, souvent les faits les plus simples de leur propre pays étaient ignorés par les jeunes gens arrivés au régiment. « Nous réunissions de nombreuses questions sur la patrie d’origine, dit M. Hœnig. Les réponses étaient incroyables. Après la guerre de 1870-1871, beaucoup ne savaient même pas le nom de l’empereur d’Allemagne. « Nous voilà loin tout, particulièrement des étonnantes connaissances en géographie, assez étendues chez les