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avec un corps de débarquement, que M. l’amiral Krantz avait avoué l’espérance de détruire la flotte italienne en quelques heures, et que le cabinet de Rome avait été un instant saisi d’une véritable panique ! A l’heure qu’il est, il n’est pas une billevesée qui ne trouve crédit, pas une déclamation du plus médiocre journal français qui ne soit recueillie, pas un incident qui ne soit envenimé. C’est positivement une maladie qui finit par tourner au ridicule. La France, pour sa part, n’a qu’à laisser passer sans s’émouvoir cette épidémie de faux bruits, de fables et de puériles accusations. Quand l’Italie, un peu guérie de son accès, sera rendue au vrai sentiment de ses intérêts, elle s’apercevra que la France n’est pas sa plus dangereuse ennemie, — et alors on en aura bientôt fini avec cette guerre de tarifs qui pèse sur le commerce des deux nations, comme avec cette guerre de polémiques aussi offensante pour le bon sens que pour l’équité.

Ce qui devient assez souvent dans d’autres pays une crise menaçante pour les institutions, pour la paix publique elle-même, s’est fait dans ces derniers temps en Hollande avec la tranquille régularité d’un mouvement tout légal. Une révision de la constitution s’est accomplie, sinon sans peine et sans contradiction, du moins sans trouble et sans péril. La réforme constitutionnelle avait surtout pour objet de renouveler, d’élargir la représentation nationale, non-seulement par l’augmentation du nombre des représentans, — qui a été porté à cent dans la seconde chambre, à cinquante dans la première, — mais encore par l’extension du droit de suffrage. C’était un changement assez sensible et assez sérieux. Il restait à savoir ce qu’allait produire le nouveau système électoral, à qui il profiterait, quelle influence il aurait sur la composition du parlement. La première expérience du nouveau régime hollandais vient de se faire, et, à vrai dire, le résultat n’a peut-être pas été absolument ce qu’on prévoyait. Tout compte fait, après toutes les cérémonies du premier scrutin et des derniers ballottages les libéraux, qui avaient jusqu’ici à peu près la majorité, ont décidément perdu la bataille, au moins pour la seconde chambre. Les libéraux n’ont obtenu que 45 nominations ; leurs adversaires, conservateurs de diverses nuances, catholiques, protestans orthodoxes, antirévolutionnaires ou antilibéraux, comme ils s’appellent, ont 54 sièges. La seule nouveauté assez saillante dans ce dernier scrutin est la nomination du chef du parri socialiste hollandais, M. Domela-Nieuwenhuis, condamné l’an dernier pour ses propagandes anarchiques, puis gracié par le roi ; M. Domela-Nieuwenhuis a été élu dans la Frise, et, par une curieuse particularité de plus, il n’a dû son élection qu’à l’appui des conservateurs, qui préfèrent probablement un révolutionnaire tout pur, un anarchiste, à un libéral. C’est une de ces tactiques de parti qui fleurissent, à ce qu’il parait, en Hollande comme dans d’autres pays !

Que va-t-il arriver maintenant avec cette nouvelle chambre, fille de