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percer ses préférences pour la paix. Frédéric III parle même un peu en philosophe couronné, avouant à son chancelier « qu’indifférent à l’éclat des grandes actions qui apportent la gloire, » il sera satisfait si plus tard on peut dire de son règne qu’il a été bienfaisant pour son peuple. Depuis, ces premiers actes ont été complétés par des messages aux chambres prussiennes, au parlement d’Allemagne et par une proclamation aux Alsaciens-Lorrains. Ces récens manifestes sont visiblement d’un ton plus officiel ; ils sont comme l’entrée en rapport du souverain avec les assemblées nationales et avec une population conquise, à laquelle il ne veut pas laisser d’illusions. Manifestes, messages ou rescrits ne manquent pas. Ils sont, si l’on veut, comme un programme du règne ; mais ici revient la grande question : Qu’en sera-t-il de la durée de ce règne ? que faut-il voir réellement dans ces premiers actes et ces premiers discours livrés à toutes les interprétations ?

On a déjà bien épilogué sur les suites de l’avènement du nouveau souverain d’Allemagne. On a cru voir dans quelques parties de ses manifestes, dans quelques passages du rescrit qu’il a adressé à M. de Bismarck, les signes de l’inauguration prochaine d’une politique nouvelle, de même qu’on a cru distinguer dans des incidens intimes l’indice de contradictions inévitables dans la direction des affaires. Que l’empereur Frédéric III porte au pouvoir suprême les intentions les plus droites, un esprit relativement libéral et pacifique, on ne doit pas en douter. On sait déjà qu’il n’est ni pour les intolérances de secte, qui avaient paru séduire un moment le prince Guillaume son fils, ni pour le socialisme d’état ; on sait aussi que, si ses forces ne le trahissent pas, il peut avoir une volonté. Ce serait cependant une illusion trop naïve d’attacher plus d’importance qu’il ne faut à de petites agitations de cour, comme aussi de se méprendre sur le caractère des déclarations impériales, de se figurer enfin qu’il puisse y avoir entre l’empereur et M. de Bismarck des disséminions sérieux et profonds sur les points essentiels de la politique allemande. Ce qui arrivera plus tard, avec des circonstances nouvelles, on ne le sait pas ; pour le moment, l’empereur Frédéric veut évidemment, avant tout, être l’héritier et le continuateur de la politique de l’empereur Guillaume dans les affaires intérieures comme dans les affaires extérieures.

Il n’est pas douteux qu’en respectant les libertés constitutionnelles de la Prusse, de l’Allemagne, il entend garder et exercer tous les droits de la couronne, qu’il ne laissera pas toucher à l’armée, à l’organisation militaire que son père a créée et dont il a revendiqué l’héritage avec orgueil. Il peut y avoir des nuances, le fond restera le même : l’empereur pense sur ce point comme le chancelier. Il n’est pas vraisemblable non plus qu’il y ait rien de changé dans la politique extérieure de l’Allemagne, dans le système des alliances de l’empire. Les témoignages de cordialité échangés, il n’y a que quelques jours, entre