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Pourtant il tentera un dernier effort. Comme autrefois Virgile à Dante, Pascal lui apparaît, et, par-delà les régions obscures de la science et de la philosophie, il lui laisse entrevoir celles plus lumineuses de l’amour et de la charité. Ce n’est rien que de sentir et peu de chose que de connaître ; aimer ! il faut aimer ; et, au lieu de l’esprit ou des sens, c’est le cœur qu’il faut écouter et apprendre à entendre.

Et c’est à ce moment aussi que les « voix de la Terre » commencent enfin d’arriver jusqu’à lui. Car, tandis qu’il cherchait à surprendre la raison des choses, le flot roulait, roulait toujours, incessamment grossi, de planète en planète. Faustus en entend approcher le lointain murmure. Est-ce un bruit d’ailes ? ou le vent dans les feuilles ?


Le frisson gémissant des lointaines ramures
Ressemble vers le soir à de vivans murmures…


Non l C’est bien une plainte, ce sont des voix humaines, c’est bien une parole ; et dont l’accent de détresse, en réveillant la pitié dans son cœur, y va faire épanouir l’esprit de sacrifice et de dévoûment. Homme encore, il ne jouira pas plus longtemps d’un bonheur qu’il n’a pas assez chèrement payé ; il ira ; il redescendra sur la Terre, sur la planète ou l’on souffre ; et Stella l’y suivra, car l’amour est plus fort que la mort ; et ils recommenceront de souffrir avec ceux dont tant de siècles écoulés n’ont pu leur faire oublier qu’ils furent autrefois les semblables, dont la nature, tout à l’heure encore, a douloureusement tressailli dans la leur, et dont les plaintes maintenant suffiraient pour empoisonner leur bonheur.

Ils appellent à eux la Mort :


La Mort, l’auguste Mort…
Non celle qu’imagine, infecte, blême, osseuse,
Notre horreur invincible pour le cadavre humain,


mais la vierge pudique, celle qui soulage et celle qui console, mais la Libératrice, mais


… La Force qui fraie aux âmes le chemin
Et les entraîne au but que l’espérance indique.


Endormis de leur dernier sommeil, côte à côte et la main dans la main, c’est elle qui, de monde en monde et d’étoile en étoile, renversant pour eux son trajet ordinaire, les remmènera de leur Éden vers leur ancien séjour. Et ils approchent ; et déjà la senteur des forêts, le murmure des mers, la rumeur bourdonnante et confuse de la vie leur ont vaguement révélé le voisinage de la Terre. Elle est là ; ils ont en pleurant reconnu l’air natal ; ils ont hâte de le respirer, hâte