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dès 1874, dans un rapport où il rendait compte des travaux accomplis par trente-huit élèves de l’arsenal maritime de Fou-Tchéou, conseilla au gouvernement du Céleste-Empire d’envoyer en France ces trente-huit étudians. Prosper Giquel y reconnaissait que le but poursuivi dans l’arsenal avait été simplement de mettre les jeunes gens à même de se rendre compte, à l’aide du raisonnement et du calcul, du fonctionnement, des dimensions et du travail accompli par les différentes pièces d’une machine, de façon à pouvoir dessiner et reproduire un de ses organes isolés. Ces connaissances ne formaient que le premier degré de la science de l’ingénieur ; elles suffisaient à un chef d’atelier ; mais un ingénieur devait être capable de créer un type complet de machine, organiser une usine, etc. Pour que des élèves pussent arriver à ce point, il leur fallait, en plus, suivre des études comparatives de nombreux types d’ateliers et de machines, reproduire beaucoup de ces types par le dessin, enfin être initiés par le travail pratique à la fabrication des machines de toute sorte et de toutes dimensions. « Nous n’avons eu ni le temps ni les moyens de pousser les élèves aussi loin, disait Giquel ; la Chine ne présente pas à l’heure qu’il est (1874) un champ de fabrication industrielle suffisant pour former des ingénieurs. C’est en Europe qu’il leur faudrait aller pour acquérir l’expérience que donnent seuls l’examen et l’étude de travaux variés, et le temps nécessaire à leur instruction serait au moins de quatre ans. Le gouvernement chinois verra s’il veut mettre tout de suite à profit les capacités de ses élèves en les employant dans les ateliers de l’arsenal, ou leur faire continuer leurs études en Europe, et se procurer par ce moyen des ingénieurs qui, non-seulement puissent diriger ses constructions, mais lui fournir les plans et les devis des constructions nouvelles, en tenant compte des perfectionnemens les plus récens de l’industrie. »

Ce n’est pas tout. Dans ce même rapport, notre compatriote conseillait aux ministres du Céleste-Empire d’embarquer ses élèves sur les navires-écoles : « Si la marine chinoise n’était pas pressée d’utiliser les services de nos jeunes étudians, disait-il, on pourrait avec beaucoup d’avantage pour eux et pour leur pays les envoyer en Europe. Après deux années d’études, on devrait en embarquer quelques-uns sur des navires de guerre de nationalités diverses, où, pendant deux autres années, ils feraient le service d’officiers et assisteraient en cette qualité non plus seulement à la manœuvre des bâtimens isolés, mais aussi aux évolutions de plusieurs navires réunis en escadre. Ils se familiariseraient également aux différens genres de canons et d’armes à feu que nous n’avons pu leur mettre sous les yeux. »

Avec une promptitude qui fait le plus grand honneur au