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la plus importante du district de Kaméhaméha, pour y enterrer son père. Une tradition locale faisait en effet de Kailua le lieu consacré à la sépulture des grands chefs de Havaï. Prévenu de ses desseins, Kaméhaméha l’engagea à venir ; mais avec une escorte moins nombreuse. Sur le refus de Kiwalao de laisser derrière lui un homme ou une pirogue, il marcha à sa rencontre, et une lutte d’autant plus acharnée que les deux chefs étaient parens, et qu’à la mort de l’un d’eux l’autre lui succédait de droit, s’engagea à Keai. Les forces étaient égales, et la bataille, alternativement reprise et suspendue ; se poursuivit sans grands avantages de part et d’autre, jusqu’à ce que la mort de Kiwalao, tué dans la mêlée, entraînât la débandade de ses soldats. Kaméhaméha resta maître du champ de bataille et chef légitime de Kona et de Kau.

Il lui fallut, toutefois, conquérir une à une les places fortes oui s’étaient réfugiés les lieutenans et les soldats de Kiwalao, soutenus par les autres chefs d’Havaï. Il faillit être tué devant Hilo. Sa persévérance triompha de la fortune indécise, et, nonobstant les secours en hommes et en vivres que ses ennemis recevaient de Kahikili, chef de Mauï et d’Oahu, jaloux de ses succès et allié de Kiwalao, Kaméhaméha finit par l’emporter et par réduire toute l’île de Havaï.

Cette conquête achevée, et pour l’assurer, il tourna ses armes contre Kahikili. Profitant d’un voyage de ce dernier à Oahu, il effectua une descente dans l’île de Mauï. Là le fils de Kahikili lui livra bataille à Wailuku avec des forces supérieures aux siennes. La taclique de Kaméhaméha, son sang-froid et son courage personnel lui assurèrent une victoire éclatante. Le carnage fut affreux. Un cours d’eau, l’Iao, était tellement rempli de cadavres, que cette digue humaine détourna son cours. Le champ de bataille en reçut le nom de Kepinawaï, digue des eaux.

Pendant que Kaméhaméha luttait ainsi avec succès dans l’île de Mauï, une insurrection éclatait dans Havaï, à la voix des lieutenans vaincus, mais non soumis, de Kiwalao. Avant son départ, Kaméhaméha avait désigné pour le remplacer Kiana, un des chefs les plus attachés à sa fortune. Ce dernier convoqua le ban et l’arrière-ban des hommes valides, et attendit de pied ferme l’arrivée des insurgés, commandés par Kéaoua, un des amis de Kiwalao. L’armée de Kéaoua, divisée en trois corps, s’avançait de Hilo sur Kau. L’avant-garde débouchait dans Kau quand on ressentit les premières secousses d’un tremblement de terre épouvantable. Les hommes chancelaient. Une pluie de cendres obscurcissait le ciel. A en juger par les descriptions conservées dans les chants indigènes, les phénomènes volcaniques égalaient en intensité ceux de l’éruption d’avril 1868, dont j’ai pu constater la violence. L’arrière-garde fut également éprouvée, mais, non plus que l’avant-garde, elle ne subit de pertes