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Passons à un autre ordre d’idées. Le fait de la suggestion hypnotique, dont on a tant parlé dans ces derniers temps qu’on en est un peu las, n’en est pas moins un des faits les plus certains et les mieux constatés. Ce fait, en définitive, n’étonne que par les conséquences extraordinaires que l’on a vues se produire ; car à sa source, il n’était nullement ignoré. On sait, en effet, que dans le sommeil même normal, il peut toujours y avoir plus ou moins communication entre le sujet dormant et les personnes environnantes. Personne ne s’étonnera, par exemple, que, si l’on fait de la musique auprès de quelqu’un qui dort sans le réveiller, cette personne vous dise au réveil qu’elle a assisté dans son sommeil à un concert des anges. La sensation s’est mêlée au sommeil, et, par voie d’association, a suggéré une série d’images qui y a rapport. On savait aussi que l’on peut, dans certains cas, agir sur l’homme endormi et soit par la parole obtenir des réponses, soit par toute autre marque susciter et diriger ses rêves. « Un somnambule, dit Carpenter dans son article sur le sommeil, avait l’habitude de jouer ses rêves. On lui suggérait l’idée d’une querelle qui se terminait par un duel ; on lui mettait le pistolet dans la main ; il lâchait la détente. On lui donnait ainsi des rêves à volonté. » Tel est le fait élémentaire qui grossi et développé dans certaines organisations et surtout dans de certaines maladies, notamment l’hystérie, devient le fait extraordinaire de la suggestion avec toutes ses conséquences. Il ne serait pas non plus impossible d’en trouver l’origine dans l’état normal. Si l’on dit à un enfant que le vent qui souffle est une voix qui pleure, que tel pâle reflet de la lune est un revenant, il entendra des voix et il verra des revenans. C’est ce même fait qui, dans l’hypnotisme et dans l’hystérie, produit des phénomènes inattendus. On peut suggérer à l’hypnotisé, soit des mouvemens, soit des sensations, soit des actes plus ou moins complexes. On rapproche les doigts, et les mains se croisent d’elles-mêmes ; on met les pieds sur le premier échelon d’une échelle, et le sujet se met à grimper. Un objet inconnu ne suggère rien. La vue suggère des mouvemens d’imitation. La malade devient un miroir, à tel point qu’elle reproduit à gauche les mouvemens produits à droite. Voilà pour les mouvemens. On provoque également des sensations illusoires, par conséquent des hallucinations. Ces hallucinations peuvent se produire à l’aide d’un objet réel dont on transforme la nature : on fait passer de l’eau pure pour de l’ammoniaque et de l’ammoniaque pour de l’eau pure. On peut obtenir les mêmes effets sans objet réel et par le seul fait de la parole, et même par la simple association des idées. Dites au sujet qu’il est sur un vaisseau et qu’il va à New-York, il éprouvera le mal de mer. La suggestion peut même porter sur des phénomènes purement