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supprimée passons à la chaire créée. C’est, avons-nous dit, une chaire de psychologie expérimentale et comparée. Quel est le sens de cette nouvelle création ? Le Collège de France a pensé d’abord que, l’enseignement disparu appartenant à la philosophie, l’enseignement nouveau devait lui appartenir également. C’est là une pensée libérale dont on doit lui savoir gré. C’est également une pensée libérale qui lui a fait choisir le titre de la chaire. Il a voulu que ce titre fut assez large, assez compréhensif, pour pouvoir se prêter à toutes les éventualités. Si l’on eût donné, par exemple, à la chaire nouvelle le titre de psychologie physiologique, on l’eût désignée trop exclusivement aux prétentions des physiologistes, et elle serait devenue dans la suite une annexe de la physiologie. Les physiologistes ont fait beaucoup, mais ils n’ont pas fait tout pour la psychologie expérimentale. Un magistrat philosophe qui aurait étudié à fond l’état moral et intellectuel des criminels, un philosophe versé dans la psychologie ethnologique ou dans la psychologie animale, un pédagogue qui aurait observé les facultés humaines au point de vue de l’éducation, ou enfin un psychologue pur, connaissant à fond toutes les parties de la science, mais capable de les embrasser dans une synthèse philosophique, tous pourraient éventuellement concourir à une telle chaire, qui ne serait pas alors le domaine exclusif d’une seule spécialité. En réalité, le vrai nom de la science que nous essayons de décrire serait le nom de psychologie objective, si ce nom n’était pas trop pédant pour être employé dans l’usage vulgaire. Il y a en effet deux psychologies : l’une qui se fait par le sens intime et qui est la base de l’autre, c’est ce qu’on peut appeler la psychologie subjective ; l’autre qui se fait par le dehors, l’étude des autres hommes et des animaux, ou l’étude du système nerveux, et c’est la psychologie objective dont nous parlions. Cette seconde psychologie a toujours plus ou moins existé ; chez les Écossais, par exemple, on trouve un grand nombre de faits empruntés à l’observation externe. Ce qu’il y a de nouveau, c’est de traiter cette psychologie objective en elle-même et pour elle-même, de la dégager de l’autre, de la constituer comme science indépendante, non absolument séparée, sans doute, mais distincte ; or, tout chapitre de science qui prend une importance nouvelle devient par là même une science nouvelle. C’est là l’objet et le sens de la chaire du Collège de France.

Parmi les différentes parties dont se compose cette psychologie objective, il en est une qui paraît plus avancée que les autres et qui est plus près de se constituer à titre de science positive, c’est la psychologie physiologique, c’est-à-dire la science qui étudie les conditions organiques et physiologiques, des facultés mentales ; et cette psychologie physiologique se divise à son tour en deux