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habilement son heure, si l’on ne veut pas détonner. Je voudrais pourtant redire aux partisans de la liberté politique, qui sont encore nombreux dans ce pays et qui n’ont pas séparé de celle noble cause l’avenir de la troisième république, que toutes les libertés se tiennent ; que la liberté politique est moins un but qu’un moyen ; qu’elle devient un leurre dès qu’elle ne nous empêche pas de craindre pour notre repos ou pour noire honneur, et ne nous permet plus d’accomplir au grand air les actes quotidiens de notre vie civile. Si l’état détermine de vive force les rapports du capital et du travail dans les questions d’assurances, pourquoi ne réglerait-il pas de la même manière le temps du travail et le taux des salaires ? Pourquoi ne punirait-il plus, comme avant la réforme législative de 1864, les coalitions de patrons et d’ouvriers ? Un grand pays ne vit pas seulement d’expédiens, même dans l’ordre économique. Quand on a fait un certain nombre de brèches aux principes fondamentaux de la législation civile et du droit public, l’édifice entier vacille et croule au premier souffle. Enfin l’inégalité nait fatalement de l’arbitraire, et c’est peut-être l’argument le plus propre à toucher notre société démocratique. On se demande, à chaque ligne du dernier projet de loi que nous avons étudié, pourquoi les uns sont soumis et les autres sont soustraits au droit commun. Il y a là, nous le répétons, comme un essai de reconstitution des castes, non plus au profit des nobles, mais au profit d’un autre oligarchie, soigneusement triée parmi les ouvriers. Après tout, dira-t-on peut-être, c’est la revanche définitive du nouveau régime contre l’ancien. Non, dès le 4 août 1789, la revanche était complète, puisque l’égalité civile était fondée.

Voici notre conclusion. C’est un service à rendre aux ouvriers que de leur inculquer le goût de l’assurance, et l’on ne saurait trop recommander à tous ceux qui exercent sur eux quelque autorité morale de les éclairer, à ce point de vue, sur leurs véritables intérêts. Mais il nous paraît inutile d’introduire dans le « code du travail, » en supposant qu’on fasse un code du travail, une loi spéciale sur l’assurance contre les accidens. Si l’on tient à faire une loi, c’est en Italie, non en Allemagne, qu’il faut chercher un modèle.


IV.

S’il ne faut pas bouleverser à la légère mu système de lois sages, équitables, bien coordonnées, qui a fait ses preuves, on doit encore moins se figurer que la lui n’est plus perfectible. Le législateur n’a jamais dit son dernier mot. Or la situation des gens qui