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travaux manuels, ou qui louent leurs services à la tâche ou à la journée. » L’assurance est d’ailleurs individuelle ou collective. Elle est faite soit par les patrons seuls, soit par les patrons et les ouvriers, soit par les ouvriers seuls réunis en syndicat. L’assurance individuelle et l’assurance collective sont établies pour tous les cas d’accidens qui ont amené : la mort de l’assuré, l’incapacité de travail, soit absolue et permanente, soit permanente et partielle, soit temporaire lorsqu’elle dépasse un mois. Le comité exécutif de la caisse d’épargne de Milan prépare les tarifs des primes et le tableau proportionnel des indemnités, qui sont soumis à la double approbation du conseil supérieur et du gouvernement. Les tarifs eux-mêmes, ainsi que la qualification et la détermination des cas d’incapacité de travail, font l’objet d’un règlement approuvé par décret royal, le conseil d’état entendu. Ces tarifs doivent être revus tous les cinq ans. Enfin les indemnités sont liquidées en capital, entre les mains de celui qui éprouve le dommage ; mais ce capital, sur la demande de l’ayant-droit, peut être versé à la caisse nationale des pensions, pour que celle-ci le convertisse en une rente viagère ou temporaire.

Tandis que la nouvelle législation de l’empire allemand est une œuvre de contrainte, la loi italienne du 8 juillet 1883 est une œuvre de liberté. Obligatoire en Allemagne, l’assurance est facultative en Italie. Tandis qu’elle est nécessairement, d’api es les lois allemandes de 1884, de 1885, de 1886, à la charge des entrepreneurs, elle peut être souscrite, en Italie, soit par les ouvriers, soit par les patrons, soit par les uns et les autres, selon le procédé qu’ils auront choisi. Le gouvernement se réserve un droit de contrôle sur les tarifs, mais ne les dresse pas lui-même. Loin d’envisager la caisse nationale comme une institution d’état, il la débarrasse de presque tous les obstacles administratifs ou fiscaux qui en eussent entravé le développement. S’il intervient, c’est pour l’émanciper, non pour l’asservir.

La France n’a copié ni l’un ni l’autre de ces deux peuples. Elle n’a pas, jusqu’à ce jour, contraint ses ouvriers à l’assurance; elle ne les y a pas même formellement encouragés, à moins qu’on ne considère comme un encouragement le vote de la loi du 11 juillet 1868. À cette date, le fondateur de notre deuxième régime impérial, caressant deux ou trois utopies socialistes, et cherchant d’ailleurs à resserrer la chaîne qui liait la démocratie française à son gouvernement, imagina de transformer l’état en assureur. Deux caisses publiques d’assurances furent créées, l’une « en cas de décès, » l’autre « en cas d’accidens résultant de travaux agricoles ou industriels. » Nul n’était tenu de s’assurer, mais « toute personne »