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préparer la troisième. Mais la loi du 5 mai 1886[1] sera-t-elle jugée suffisante?

Tandis que la loi de 1883, sur l’assurance des ouvriers contre les maladies, les soumet à des cotisations prélevées sur leurs salaires et n’astreint le patron qu’au tiers de la cotisation totale versée en leur nom, la loi de 1884 met toute l’assurance contre les accidens à la charge des entrepreneurs industriels[2]. Mais, en leur imposant cette charge, elle atténue, par une équitable compensation, leur responsabilité civile : ils ne répondent plus de tout le dommage causé par l’accident « que s’il est établi par une sentence pénale qu’ils l’ont causé à dessein. »

Les organes de l’assurance contre les accidens sont des « associations professionnelles » librement fondées sur le principe de la mutualité, moyennant l’approbation du conseil fédéral, qui d’ailleurs, à défaut d’entente mutuelle, les constitue d’autorité. Ces associations, minutieusement organisées par la loi, jouissent de droits importans et même ont reçu en quelque sorte une délégation de la puissance publique, puisqu’elles peuvent faire des règlemens, sanctionnés par l’application d’une amende, soit « sur les mesures à prendre pour prévenir les accidens dans les industries, » soit « sur la discipline qui doit être observée dans l’industrie par les assurés. » Au-dessus d’elles, pour les contrôler et les diriger, plane une administration qui constitue un service de l’empire, l’administration impériale des assurances. Celle-ci se compose de trois membres permanens nommés par l’empereur et de huit membres élus pour un certain temps : quatre par le conseil fédéral, deux par les directions des associations professionnelles et deux par les représentans des ouvriers. Certaines décisions de « l’administration impériale » peuvent être déférées au conseil fédéral. Enfin, des juridictions arbitrales (une au moins pour la circonscription de chaque association professionnelle) sont instituées pour le règlement des indemnités litigieuses; l’appel de leurs sentences peut être porté devant l’administration impériale. Quant au paiement des pensions, qui forment la plus importante partie des indemnités, il se fait par l’intermédiaire de la poste.

  1. La loi du 5 mai 1886 débute ainsi : « Tous les ouvriers et employés d’exploitations agricoles et forestières, dont les gains annuels n’excèdent pas 2,000 marks, doivent être assurés, conformément aux prescriptions de la présente loi, contre la suite des accidens auxquels leur travail les expose... »
  2. Pour comprendre dans tous ses détails la situation de l’ouvrier allemand assuré, il faut combiner la loi de 1883 (maladies) avec les lois de 1884, de 1885, de 1886 (accidens) : travail complexe auquel nous ne pourrions nous livrer ici sans sortir de notre cadre.