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du travail, et la garantie qui ne s’y appliquerait pas serait incomplète.» Quelles ne seront pas, dès lors, pour les ouvriers eux-mêmes, les conséquences d’une épidémie ! Un abîme est entr’ouvert sous les pas du patron, le plus souvent incapable de démontrer que la communication de la maladie épidémique est imputable à l’ouvrier. S’il plie sous la menace des responsabilités qu’accumulera le déplacement de la preuve et ferme ses ateliers, la production nationale se ralentira, certains objets de consommation renchériront, et les ouvriers, obligés de porter ailleurs leurs services, verront probablement diminuer leurs salaires. Voilà ce qu’on peut gagner, dans l’ordre économique, à la réforme de notre loi civile.

Toutes ces idées ne devaient pas, on le pense bien, rester ensevelies dans la poussière des bibliothèques, et diverses propositions assaillirent bientôt la chambre des députés. Nous nous bornons à mentionner la proposition de loi, purement socialiste, de M. Peulevey, qui mettait à la charge de l’état tous les accidens graves arrivant dans l’exécution d’un travail commandé, lorsqu’ils seraient causés par un cas fortuit ou même par une imprévoyance légère de la victime. Mais il faut insister sur les projets de MM. Nadaud et F. Faure. « Lorsqu’un homme, louant son travail à un autre homme, s’est blessé ou tué à son service, dit le premier, l’employeur sera de plein droit responsable, à moins qu’il ne prouve que l’accident a été le résultat d’une faute commise par la victime.» — « Le chef de toute entreprise industrielle, commerciale ou agricole, dit le second, est responsable, dans les limites de la présente loi, du dommage causé à tout ouvrier ou employé tué ou blessé dans le travail, soit que l’accident qui a amené la mort ou les blessures provienne du bâtiment, de l’installation, de l’entreprise ou de l’outil employé, soit qu’il provienne du travail même. Il ne sera fait d’exception à cette règle que pour les faits criminels ou délictueux, dont l’auteur reste responsable suivant les principes du droit commun. » Il est à peine utile de faire observer que ce dernier projet mettait à la charge de « l’employeur » les conséquences de toutes les fautes, même des fautes lourdes commises par l’employé! La commission parlementaire chargée d’examiner toutes ces propositions les remplaça par une proposition différente et plus restreinte, laissant sous l’empire du droit commun l’ouvrier agricole, l’ouvrier qui loue son travail à un particulier, même l’ouvrier qui, travaillant pour un patron, ne serait pas employé, soit dans les usines, manufactures, fabriques, chantiers, mines, carrières et chemins de fer, soit dans toute autre exploitation où il serait fait usage d’un outillage à moteur mécanique. Celle-ci, soumise à la chambre le 13 mai 1882, fut jugée peu complète et renvoyée à la commission. Mais une nouvelle édition, assez semblable à la première, quoique