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sans avoir brûlé une amorce. La garnison du poste avait été attaquée, le 10 et le 12, par un rassemblement d’un millier de montagnards de l’Aurès et de 500 à 600 cavaliers des Ouled-Soltan.

Rentré à Constantine, le duc d’Aumale résolut de châtier cette tribu agressive. Il fit marcher de Sétif un détachement sur Batna, où s’opéra la concentration des troupes. Elles se composaient de trois bataillons détachés des 2e, 33e et 31e de ligne, de deux bataillons du 19e léger, des tirailleurs indigènes, de quatre escadrons du 3e chasseurs d’Afrique, de trois escadrons de spahis, d’une batterie de montagne et d’un goum arabe. Le 20 avril, le bivouac fut pris à Ras-el-Aïoun, au pied de la montagne des Ouled-Soltan. Cette région, désignée sous le nom de Belezma, comprend une large et riche vallée qui est, après la voie de Batna, la communication la plus fréquentée entre le Sahara et le Tell. Le 24, trois heures après s’être engagée dans la montagne, la colonne, qui gravissait une pente raide et boisée, fut tout à coup enveloppée par un brouillard épais. Aussitôt les Kabyles en profitèrent pour se jeter avec furie, les uns sur les voltigeurs d’avant-garde, les autres sur le goum qui côtoyait la colonne. Après un moment de surprise, les premiers furent énergiquement repoussés à coups de baïonnette; mais le goum, effrayé, se jeta sur le convoi qu’il mit en désordre. Les muletiers arabes, perdant la tête, coupaient les cordes, jetaient les charges dans le ravin et se hâtaient de fuir avec leurs bêtes. Heureusement, la panique ne fut pas de longue durée. Le lieutenant-colonel Tatareau assura le flanc découvert par la retraite précipitée du goum, et quelques paquets de mitraille mirent les assaillans en déroute. Cependant, l’obscurité ne permettant plus à la colonne de continuer sa route, elle revint sur Ngaous, où elle avait laissé ses munitions de réserve. La plus grande partie des vivres transportés avait été perdue dans la bagarre ; le général Sillègue alla chercher de quoi réparer le déficit à Sétif.

Aussitôt après son retour, la colonne rentra, le 1er mai, dans la montagne et prit avec éclat, à peu près sur le même terrain, la revanche de l’échauffourée du 24 avril. Les Kabyles châtiés, le duc d’Aumale redescendit vers Ngaous, d’où il se mit à la poursuite des Ouled-Soltan, qui se hâtaient d’émigrer au sud. Le 8, vers cinq heures du soir, on trouva toutes dressées les tentes d’Ahmed-Bey, qui n’avait pas eu le temps de plier bagage. A chaque minute, on ramassait des prisonniers et du butin. Poursuivis, l’épée dans les reins, pendant quatre jours sans relâche, les fuyards eurent la mauvaise chance de donner de la tête au milieu des Saharis accourus du Zab avec Ben-Ganah. Dès lors, il fallut se rendre à discrétion. Le 13 au soir, les grands de la tribu vinrent se jeter aux pieds du