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nos yeux, ne répond, sinon par les traits partiels dont il vient d’être question, à la végétation de cette période. Il n’est pas tout à fait ainsi de celle de l’âge subséquent, qui, lors de l’éocène[1], surtout de l’éocène récent, sous l’empire de conditions spéciales, s’étala d’un bout de la France à l’autre, des environs de Paris aux rives de la Provence.

Les recherches dont la flore d’Aix, qui se rapporte à cet horizon, a été dernièrement l’objet, ont démontré que depuis lors le fond de la végétation n’avait pas beaucoup varié, et que celle-ci se trouvait encore, sur le bord de la Méditerranée, sensiblement pareille à ce qu’elle était vers la fin de l’éocène, si l’on fait abstraction de l’appauvrissement qu’elle a subi par l’élimination postérieure d’une foule de types, et en tenant compte également des types à feuilles caduques dont l’introduction n’eut lieu que plus tard. Ainsi, une bonne partie des formes dont les ancêtres se montrent dans l’éocène auront persisté sur place à partir de cette époque, tandis que celles qui ont depuis émigré se retrouvent dans les régions limitrophes du domaine méditerranéen, ou bien encore, retirées plus loin vers le sud, sont cantonnées, soit dans l’Afrique australe, soit aux Indes ou à l’extrême orient de l’Asie.

C’est avec le miocène[2], plus spécialement avec la partie récente de cette division, que manifeste des relations évidentes la catégorie d’arbres à feuilles caduques et à aptitudes méridionales dont il a été question plus haut comme étant actuellement dispersée sur divers points du domaine méditerranéen, surtout à l’orient de la région : platane, liquidambar, planère, tilleul, vigne, certains charmes et frênes, plaqueminier, grenadier, etc. — Enfin, l’association a laurifère » des forêts canariennes, conservée intacte, grâce à sa situation insulaire, grâce aussi la persistance de conditions climatologiques locales, reproduit sans changement le tableau d’une forêt montagneuse de l’Europe centrale, telle que nous la montrent les découvertes de M. Rames dans le Cantal, de M. Falsan à Meximieux (Ain), de M. Rérolle dans la Cerdagne espagnole, à l’époque du miocène récent et du pliocène[3] ancien. Ce sont les mêmes essences, c’est le même mélange de lauriers, de houx, d’oliviers, auxquels viennent s’adjoindre des formes actuellement japonaises ou caucasiennes de noyers, d’érables, d’ormes, et vers les hauts sommets des plus et des sapins proches voisins de ceux des montagnes élevées de Ténériffe, du Maroc ou de l’Asie-Mineure. — Même

  1. Période répondant à la partie ancienne des temps tertiaires.
  2. Partie moyenne des temps tertiaires.
  3. Partie récente des temps tertiaires.