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la nuit suivante, selon les médecins. » Sa Sainteté lui rendit visite; « mais elle ne voulut pas se retirer avant d’ordonner qu’on fît inventaire de tout le mobilier du palais ; elle se préoccupe fort du bien que lui apportera la mort du cardinal, qui a, dit-on, « une grosse somme d’argent comptant. » Le 20 juillet, il était mort, au « contentement de tous. » Son favori, Sébastien Pinzon, recevait une large part de ses bénéfices, in premium sanguinis. « Il est certain que le cardinal a été empoisonné, et que ce Sébastien a été son bourreau... Le pape l’a reçu au nombre de ses familiers... Le pontife a touché 14,000 ducats trouvés chez le défunt. » Pinzon fut plus tard mis à mort par Léon X, pour ce crime, qu’il confessa.

En avril 1503, ce fut le tour du cardinal Michiel, un Vénitien, neveu de Paul II. Il mourut en quelques heures, vers minuit. « On a la certitude, dit Giustinian, qu’il a été empoisonné. Dès qu’il eut la nouvelle, le pape envoya le gouverneur au palais du mort, et, avant le jour, tout était dévalisé. La mort de ce cardinal lui donne plus de 150,000 ducats,» argent comptant, argenterie, tapisseries, provision de blé, champs ensemencés, dont Alexandre attendait la moisson, chevaux de luxe, génisses et buffles, plus onze coffres du cardinal Colonna qu’il gardait dans son appartement. Le lendemain, « notre Seigneur s’enferma, portes closes, pour compter l’argent. » Trois jours plus tard, il conduisait l’ambassadeur dans la chambre où étaient les ducats de Michiel, 23,632 seulement, et disait avec douleur : « Regardez, toute la ville prétend que nous avons touché 100,000 ducats de l’héritage du cardinal; nous n’avons trouvé que ceci. » Puis il supputa que le cardinal, étant très riche, dépensant peu, devait avoir des capitaux à Venise, et demanda que la seigneurie fît arrêter son intendant Tommaso, qui était sur le point d’apporter les rentes de son maître, et renoncerait sans doute au voyage de Rome. Enfin, comme Michiel avait de grands pâturages dans son évêché de Porto, Alexandre se rendit dans cette ville, « non pour se divertir, mais pour s’emparer de ce qui appartenait au révérendissime cardinal, surtout des génisses et des buffles. » Il revint le 23 avril, « avec une bonne figure ; » l’expédition avait été fructueuse. Les troupeaux de l’éminence défunte, qu’il venait de ramasser sous sa crosse pastorale, lui avaient peut-être rappelé d’une façon réjouissante la parole évangélique : Pasce oves meas. Sous Jules II, le secrétaire de Michiel et son cuisinier furent poursuivis pour ce crime. Le premier avoua tout et dénonça en même temps Alexandre VI.

Le 2 août de la même année, seize jours avant Alexandre, le cardinal de Monreale, un Borgia, mourait presque subitement. « Le pape a fait bon visage à cette mort, bien que ce fût un sien neveu,