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La vraie confirmation des synthèses universelles de la métaphysique ne consiste pas, comme celle des hypothèses scientifiques, dans leur accord avec tel ou tel fait particulier, ou dans leur application à quelque nouvelle classe de faits dont elles auraient fourni d’avance l’explication. Les systèmes métaphysiques n’ont pas été inventés pour expliquer des faits particuliers ou pour en faire découvrir. D’où peut donc, en dernière analyse, résulter leur confirmation? — De leur harmonie avec la totalité des faits de conscience et des faits actuellement connus par la science. En d’autres termes, il se produit une confrontation de la métaphysique avec la science tout entière, mentale ou physique, et, par cet intermédiaire, avec une portion toujours croissante de la réalité expérimentale.

L’alchimie a précédé la chimie ; tout en cherchant la pierre philosophale, elle a trouvé l’alcool, l’antimoine et d’autres substances utiles; elle a préparé la forme scientifique de la chimie. L’ontologie a précédé aussi la métaphysique inductive, et trouvé des matériaux précieux pour un édifice dont les bases mêmes sont encore mal assurées. L’organisation positive des sciences et de leurs méthodes est de date relativement récente ; il ne faut donc pas s’étonner que la métaphysique ne soit point encore organisée, puisque, d’une part, son organisation est partiellement subordonnée à celle des sciences de la nature et de l’homme, et que, d’autre part, ses problèmes propres sont les plus difficiles de tous. Elle n’en a pas moins pris, dès aujourd’hui, une forme supérieure aux anciennes, celle de la critique, qui annonce et prépare une organisation plus dogmatique.

Le progrès continu de la science a un double effet, l’un négatif et l’autre positif, l’un d’élimination par rapport aux systèmes anti-scientifiques, l’autre de suggestion par rapport aux doctrines qui sont le prolongement logique de l’expérience. En premier lieu, nul ne niera le progrès métaphysique dû à la puissance d’élimination qu’exerce la science par rapport aux systèmes qui la contredisent : la science, voilà le grand moyen d’exorciser « les fantômes métaphysiques. » Qui soutiendrait aujourd’hui les théories du moyen âge sur les causes occultes, sur les substances, sur la liberté d’indifférence, sur les causes finales particulières, sur les créations spéciales? Dans les idées religieuses, ne voyons-nous pas une élimination progressive des croyances anthropomorphiques, comme la jalousie et la vengeance éternelle de Dieu ? Le progrès des sciences naturelles, morales et sociales, agit donc sur la métaphysique et les religions, ne fût-ce que d’une manière négative : il les épure, il fait le triage de leur partie caduque.

Par cela même se produit une sélection positive au profit de certaines