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Notre diplomatie est la plus chère de l’Europe, sans être pour cela la meilleure. Tandis que le budget du ministère des affaires étrangères est en France de 14,864 000 francs, il n’est en Allemagne que de 9,221,000, en Autriche et en Italie que de 7 millions et demi, en Russie de 9 millions et demi, en Espagne de 4,600,000, aux États-Unis de 6,300,000. Il n’est pas jusqu’à l’Angleterre, — qui, pour les besoins de son commerce, entretient dans le monde entier deux fois plus de consuls que la France, qui donne à ses ambassadeurs des traitemens partout supérieurs à ceux que reçoivent les nôtres, — Et à qui ses relations extérieures ne coûtent cependant 2 millions et demi de moins qu’à nous. Comme la besogne diplomatique est naturellement la même chez nous que chez nos voisins, on doit reconnaître que dépenser 100 francs pour rémunérer un service que toutes les nations du continent font exécuter pour 40, 50, 60 ou 75 francs, c’est être plus bêtes ou plus prodigues que les autres. Si l’on pouvait établir entre chacun des ministères français et étrangers une aussi parfaite assimilation, on reconnaîtrait en tout la même fâcheuse supériorité de notre patrie.

Sous le rapport militaire, il est d’usage de copier sans cesse l’Allemagne ; que ne l’imitons-nous jusqu’au bout ? Le budget de la guerre de l’empire allemand est de 431 millions ; en France, il est de 664 millions, et comme l’effectif des deux armées en temps de paix est à peu près égal, l’Allemand sous les drapeaux coûte à l’État 850 francs et le Français 1,250. Ce résultat est d’autant plus singulier que les officiers allemands, à partir du grade de capitaine, sont payés beaucoup plus cher que les officiers français, et que les sous-officiers reçoivent un traitement six fois plus élevé que celui de nos sergens. Par suite, l’état de sous-officier est, au-delà du Rhin, une profession à exercer et non une obligation à subir. La nourriture de l’armée allemande coûte par jour (pour le pain et le fourrage) 169,000 francs ; la nourriture de l’armée française revient, pour les mêmes dépenses, à 317,000 francs ; et le fait paraît inconcevable, puisque le prix des subsistances militaires : froment, seigle, avoine, foin, paille, est assez sensiblement le même en France et en Allemagne[1]. Il est vrai que les procédés administratifs des deux pays diffèrent fort, aussi compliqués ici qu’ils sont simples là-bas. À d’autres points de vue, l’Allemagne peut encore nous servir de modèle : nous avons sous les yeux l’état du personnel du ministère de la guerre à Berlin. Le nombre des employés y est de 307 ; il est de 756 à Paris. Le chiffre des huissiers et garçons de bureau est à Berlin de 46, et à Paris de 166. En creusant un

  1. Les lois récemment votées par le parlement allemand ne changent rien à cette proportion.