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scène de provocation, un double quatuor vocal dialogué avec un peu d’animation. A l’acte du Louvre, chez le duc d’Anjou, trois mesures charmantes, annonçant l’entrée de Diane. Oui, trois mesures, sans exagérer, comme le beau vers de la tragédie. Au dernier acte, le duo de Bussy et de Diane renferme une ou deux ébauches de mélodie, quelques accens d’amour. Mais il vient trop tard, et l’on est si las ! De fait ici, la critique n’est pas moins embarrassée que l’éloge: elle ne sait que choisir. Pourtant certains défauts ressortent avec évidence: l’absence presque absolue d’idées, et alors, pour noter les paroles, une gêne continuelle qui amène l’impropriété de l’expression musicale, le désaccord entre la parole et la note. Si par hasard le musicien trouve une idée, elle est de pauvre qualité; il s’en aperçoit, et à la banalité s’ajoutent aussitôt l’effort et la gaucherie. Prenons, par exemple, l’air ou plutôt la phrase d’entrée de Bussy : Ce vieillard si redouté naguère. Sans rien d’original, elle commence et se suit pendant quelques lignes. Mais elle se délaie bientôt et se perd dans une reprise des dernières paroles : Non, je ne connais pas cette fille si tendre, sorte d’appendice inutile et maladroit. La rêverie de Diane au début du troisième tableau : Avant de m’enfermer dans ma triste demeure, est un exemple encore plus frappant de défauts généralement incompatibles et pourtant réunis ici : la platitude et la recherche. Cet air est plein de détails insignifians, de modulations inhabiles, d’arpèges vulgaires en style de carillon; et à la fin encore une petite queue mélodique comme partout. Bien faible aussi, malgré beaucoup de tapage, le combat de Bussy contre les mignons; manqué, l’ensemble des femmes à la fenêtre et des jeunes gens qui ferraillent. Il y a quelque mélancolie dans le lamento de Diane : Depuis bientôt une semaine, que peut-il être devenu? mais dans la première phrase seulement. Toute la fin de ce quatrième tableau ne vaut rien. Quelle misère, la lettre lue par Diane avec accompagnement de cor anglais, et terminée par la signature, chantée d’une voix dolente : Baron de Méridor ! La musique n’aurait pas dû souligner cette puérilité littéraire. On pense tout de suite, et pour la regretter, à la lettre de la Vie parisienne, signée : baron de Frascata. Et la romance de Bussy: O cher souvenir qui partout m’assiège! Là encore abondent les modulations banales, et les phrases qui tournent court, et les terminaisons vulgaires, et les mesures embarrassées dont on croit ne pas pouvoir sortir, et les singularités d’accompagnement, comme les notes pincées de harpes sur une phrase, que voici textuellement : Blanche vision, de sentir au réveil ce rayon de soleil!

C’est au tableau suivant que se trouvent les trois charmantes mesures dont nous parlions. Elles n’aboutissent qu’à un finale sans intérêt. Mais auparavant se succèdent deux airs, l’un de Bussy, l’autre