Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 85.djvu/834

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dernier condamné, lui dire : « Il est bien glorieux pour vous de mourir à la même place que celle où votre roi est mort. »

L’abbé lut arrêté, mis à l’Abbaye et interrogé par Coffinhal, qui ne put lui arracher aucune révélation. Mis en liberté, le vicaire de Gobel accompagna à l’échafaud l’infortunée Marie-Antoinette, qui ne voulut pas même lui parler[1]. Arrêté de nouveau et retenu à la maison d’arrêt des Écossais, il écrivait à la Convention : « Législateurs, une de mes douleurs est d’être dans les prisons en compagnie des ci-devant nobles, des ci-devant généraux du tyran, des ci-devant écuyers, des prêtres, etc. » Lothringer fut mis en liberté le 12 brumaire 1795. Nous avons retrouvé son nom écrit par Mme de Custine sur une feuille jaunie, comme un lugubre memento.


IV.

Après le père vint le tour du fils.

Durant le procès, Philippe de Custine avait fait imprimer et placarder à Paris une défense de la conduite militaire et politique de son père. Cet acte courageux attira sur son auteur l’animosité de Robespierre et des jacobins. Avant la fin du procès du général, son fils était arrêté et enfermé à la Force. Il était compris dans un décret du 6 nivôse 1794 pour passer en jugement. Delphine allait de la Conciergerie à la Force consoler les deux victimes. Son dévoûment ne se ralentit pas un seul jour. Au lendemain de l’exécution de l’un, elle est tout entière à l’autre qui survivait encore. L’attitude, la défense, le sang-froid de son mari furent admirables. Il n’y a pas de plus odieuse page que celle de cet inique procès dans le martyrologe de la révolution[2]. Il faut le lire tout entier pour connaître cet héroïque jeune homme de vingt-quatre ans, qui avait toutes les vertus.

Le jour où le général avait quitté Cambrai, son fils lui avait écrit :


« Paris, le 13, au soir.

« Le courrier qui m’a apporté votre lettre, mon cher papa, dit qu’il va être réexpédié et qu’il passera demain de grand matin prendre ma réponse. Je ne veux pas qu’il parle sans qu’il vous porte au moins l’expression de ma participation aux sentimens pénibles

  1. Archives nationales, W. 285, dossier 127. — (Voir aussi Mortimer-Ternaux, Histoire de la Terreur, pièces justificatives, t. VIII.
  2. Archives nationales, no 306, dossier 380, et Mémoires sur les prisons, t. I.