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nouvelles. A peine débarqué, le 23 mai, d’Alger, où le soin des affaires générales l’avait rappelé pour quelques jours, il était parti, dans la soirée, de Tenès pour El-Esnam, quand, vers le milieu de la nuit, au bivouac, l’interprète principal de l’armée, M. Léon Roches, qu’il avait en grande affection, entra tout à coup dans sa tente. Un courrier arabe venait d’arriver : la smala était prise ! Ould-el-Rey, le fils du roi, avait pris la smala !


III.

On savait que la smala devait errer quelque part sur les Hauts-Plateaux, probablement autour de Goudjila; c’est pourquoi le général Bugeaud avait donné à La Moricière l’ordre de battre la région voisine depuis Tiaret, en même temps qu’il prescrivait au duc d’Aumale de s’y porter de Médéa par Boghar. Ces mouvemens étaient même révélés, par le Moniteur algérien, au public.

« Le 10 mai, y était-il dit, S. A. R. le duc d’Aumale, après avoir fait un dépôt de vivres dans les ruines de Boghar, s’est avancé dans le sud de l’Ouarensenis à la recherche des tentes et des familles d’Abd-el-Kader et de ses khalifas. Cette réunion, évaluée à 10,000 personnes, compose ce qu’on appelle la smala ; cette agrégation est entièrement ambulante. Les Arabes nos alliés disent généralement que, si l’on prenait la smala, on porterait un coup terrible à la puissance d’Abd-el-Kader. S. A. R. le duc d’Aumale a été chargé de s’en emparer ; mais l’entreprise est difficile. Il faudra des marches forcées sur des territoires où les eaux sont rares et où l’on trouve plus rarement encore des cultures pour les animaux. S. A. R. a été pourvue, autant qu’il était possible, des moyens nécessaires ; mais, quelles que soient son activité et son intelligence, il faut encore que la fortune lui vienne en aide pour atteindre la smala, tant elle est mobile et bien avertie par le zèle et le dévoûment du pays. Le général de La Moricière seconde par le Sersou les opérations de S. A. R. »

Si cette publication avait pour objet de mettre à couvert, en cas d’insuccès, la responsabilité du duc d’Aumale, l’intention était excellente assurément ; grâce à l’habileté du prince, et surtout à sa décision, la précaution demeura heureusement inutile.

Après avoir laissé à Boghar un grand dépôt de vivres et des moyens de transport suffisans pour les lui amener au besoin, le duc d’Aumale en était parti, le 10 mai, avec 1,300 hommes du 33e du 64e et des zouaves, 550 cavaliers, chasseurs d’Afrique, spahis et gendarmes, une section d’artillerie de montagne, un goum de 200 ou 300 chevaux conduits par l’agha des Ayad, Ameur-ben-Ferhat, un convoi de 800 chameaux et mulets chargés de biscuit, d’orge