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Sur la lisière occidentale, une course du général Gentil chez les Flitta venait d’ajouter une page glorieuse aux annales du 2e régiment de chasseurs d’Afrique. Le 16 mai, 50 chasseurs, commandés par le capitaine Daumas, frère du directeur des affaires arabes, s’étaient lancés sur les traces d’une fraction de la tribu fugitive ; la poursuite les avait menés loin, très loin de la colonne, quand ils tombèrent tout à coup dans une masse de cavalerie qu’on pouvait évaluer à 1,500 chevaux. Il y avait là une koubba, du nom de Sidi-Rached. Le capitaine eut le temps de s’y poster; il disposa tout à l’entour, comme un carré d’infanterie, mais sur un seul rang, ses hommes pied à terre, les chevaux leur servant de parapet, et la fusillade s’engagea.

Cependant le général Gentil s’inquiétait de ne voir pas revenir son détachement. Il ne lui restait qu’une réserve de 60 chasseurs, sous les ordres du capitaine adjudant major Favas, et quelques spahis; il fit partir les chasseurs et les suivit avec son infanterie au pas de course. Aux approches de Sidi-Rached, guidé par le bruit du combat, et sans se laisser étonner par l’énorme supériorité numérique de l’ennemi, le capitaine Favas fit prendre à sa troupe le galop de charge, renversa du choc la ligne épaisse des assaillans, et vint, après avoir fait sa trouée, se placer à côté de son camarade. D’abord étonnés, les Arabes se consultèrent; mais après s’être rendu compte du petit nombre des nouveau-venus, ils reprirent avec vivacité la fusillade. Depuis le commencement du combat, deux longues heures se passèrent jusqu’à l’arrivée d’un bataillon du 32e accouru à la rescousse. Des 110 chasseurs rangés autour du marabout, 22 avaient été tués, 30 blessés; des 7 officiers qui les commandaient, un seul était sans blessure.

A 30 lieues de là, au sud-ouest de Mascara, le général Bedeau avait affaire aux Djafra soulevés par Abd-el-Kader. Après avoir quitté le Dahra, puis l’Ouarensenis, l’émir était apparu au milieu de cette tribu demi-nomade, l’avait conduite jusque sous Mascara et s’était servi d’elle pour entraîner encore une fois hors de la plaine d’Eghris les Hachem, qu’il envoya aussitôt se réunir à la smala. Ce grand succès obtenu, il renvoya les Djafra chez eux, et de sa personne se mit en observation sur la lisière du Tell. La Moricière, qui était à Tiaret, ne pouvait pas s’en éloigner ; il envoya au général Moustafa-ben-Ismaïl l’ordre de venir d’Oran avec tout son maghzen renforcer le colonel Géry à Mascara, et prescrivit au général Bedeau de sortir de Tlemcen pour châtier les Djafra. Si-Zeitouni, que l’émir venait de leur donner pour khalifa, lâcha pied dès la première rencontre et fut pris dans la seconde. Avant la fin de mai, tout était fini : les Djafra demandaient grâce, et Bedeau pouvait retourner à Tlemcen.

Le général Bugeaud ne recevait de toutes parts que d’heureuses