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prince comprenait 2,000 baïonnettes, 200 chevaux des spahis, 500 des goums et deux obusiers de montagne. Elle se mit en mouvement dans les premiers jours de mars, foula en passant les Beni-Djaad, qui avaient donné asile à Ben-Salem, et, malgré la surprise d’une tourmente de neige qui la fit cruellement souffrir, elle atteignit l’Isser le 10, et attaqua franchement, le lendemain, les Nezlioua, que soutenait le bataillon régulier de Ben-Salem. Mis en déroute, les Kabyles virent pendant deux jours leur territoire dévasté, leurs villages brûlés. La leçon était suffisante. Le duc d’Aumale, après avoir touché à Bordj-Bouira et côtoyé le Djebel-Dira, rentra, le 21 mars, à Médéa, avec sa colonne satisfaite, parce qu’elle était bien conduite.


II.

Dans la nouvelle crise soulevée par Abd-el-Kader, des deux provinces d’Oran et d’Alger, c’était la première qui, contrairement aux précédens, était par comparaison la plus calme. Sans cesser d’avoir l’œil sur les Flitta ni de leur infliger quelque correction de temps à autre, La Moricière s’occupait à mettre un peu d’ordre dans l’organisation des tribus soumises et l’administration du territoire conquis. Son aide principal en ces matières délicates, le lieutenant-colonel Daumas, lui avait été enlevé, en même temps que le colonel Pélissier, son chef d’état-major, par le gouverneur, qui les avait attachés l’un et l’autre au service d’Alger, celui-ci comme sous-chef de l’état-major-général de l’armée d’Afrique, celui-là comme directeur des affaires arabes. Au colonel Pélissier avait succédé le commandant de Crény ; le commandant de Martimprey, successeur de Daumas, dirigeait d’Oran les affaires arabes de la province, avec le concours du commandant de Barral à Tlemcen, du capitaine d’artillerie Charras à Mascara et du commandant Bosquet à Mostaganem.

C’était cette dernière subdivision qui avait le plus à faire, à cause de l’insurrection du Dahra et du bas Chélif. Dans ces temps difficiles, deux hommes se distinguèrent, le général Gentil, qui commença par secourir, dans le Dahra, les Coulouglis de Mazouna menacés par Abd-el-Kader, et le khalifa Sidi-el-Aribi, dont l’inébranlable fidélité n’eut jamais un moment de crainte pas plus que de défaillance. Dans les premiers jours du mois de mars, un pont fut établi sur le bas Chélif, en dépit de l’opposition acharnée des Beni-Zerouel, qui en comprenaient trop bien l’importance. La communication étant désormais assurée entre les deux rives, le général Gentil se porta, le 15, contre la tribu récalcitrante, dont une partie demanda l’aman, tandis que l’autre se réfugiait dans des cavernes