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d’abord ; après deux petits engagemens soutenus le 23 et le 24, il fut obligé de rétrograder devant l’insurrection. À cette nouvelle, le général Bugeaud lui envoya 1,500 hommes de renfort et le colonel Picouleau, du 64e ; puis il s’embarqua lui-même pour Cherchel avec les deux derniers bataillons disponibles de la division d’Alger. Le 30 janvier, il attaqua par l’ouest les Beni-Menacer, que le lieutenant-colonel de Saint-Arnaud, sorti de Miliana, devait aborder par le sud ; mais la pluie, la neige, la tempête, vinrent en aide aux insurgés, si bien que les deux colonnes furent contraintes, moins par l’ennemi que par les élémens conjurés, de rentrer le même jour, 7 février, l’une à Miliana, l’autre à Cherchel.

On ne pouvait demeurer sous l’effet moral de cette tentative avortée. Elle fut reprise, le 12 février, par le général de Bar et le colonel Picouleau. Quelques tribus, les Zatima entre autres, demandèrent l’aman et présentèrent les chevaux de gâda ; d’autres, excitées par les fils de Barkani, firent une résistance acharnée ; mais Saint-Arnaud étant arrivé au soutien de Picouleau, elles finirent par céder aussi, de sorte que le général de Bar annonça triomphalement au gouverneur la soumission de tous les Beni-Menacer. Il en eut tout de suite le démenti. Quand Saint-Arnaud voulut regagner Miliana, il fut attaqué vigoureusement, le 28 février, dans la région la plus âpre de ce pays difficile, par quatre fractions récalcitrantes de la tribu imparfaitement pacifiée ; il s’en tira sans doute, mais non sans avoir éprouvé des pertes sensibles. Quelle que fût l’amitié du gouverneur pour le général de Bar, il ne put se tenir de glisser dans son rapport cette remarque ironique : « Il paraît qu’on ignorait l’existence de ces quatre fractions, car le amènerai de Bar et le colonel Picouleau m’assuraient que toutes les fractions de cette tribu puissante étaient soumises. »

lin fort contingent des Beni-Menad s’était joint aux Beni-Menacer : la défection d’une tribu limitrophe de la Métidja ne pouvait rester impunie. Le 3 mars, les Beni-Menad se virent cernés de trois côtés par le général de Bar, Changarnier et le gouverneur. Dans l’enceinte fermée par les baïonnettes, ils attendaient en tremblant ce qui allait être décidé de leur sort. Le général Bugeaud fit approcher les grands et leur dit : « Abd-el-Kader, en pareil cas, ferait tomber vos têtes sur-le-champ, et vous l’avez mérité, puisque, oubliant l’humanité, la douceur et la réserve dont nous avons usé envers vous, plusieurs ont pris part aux combats des Beni-Menacer, tandis que d’autres préparaient la révolte ; mais je veux vous prouver que nous ne sommes pas barbares comme celui que vous appelez votre sultan. Sachant d’ailleurs que la plupart des familles sont innocentes des manœuvres des chefs, je leur rends la liberté, leurs femmes, leurs enfans, leurs troupeaux : mais je vais prendre en