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L’éducation donnée dans les maisons de la Légion d’honneur a été longtemps l’objet de critiques sérieuses. On la représentait comme futile et propre à inspirer aux élèves des goûts de luxe et de plaisir qui n’étaient pas en rapport avec la position de leurs familles. Ces préventions n’existent plus qu’à l’état de souvenir, et il suffit de visiter ces établissemens pour reconnaître combien elles sont peu fondées. Tout y est d’une austérité qu’on pourrait taxer d’exagérée. Les vieux bâtimens de Saint-Denis, avec leurs escaliers de pierre aux rampes de fer forgé, leurs cloîtres immenses, leurs hautes salles sévères, inspirent plutôt le recueillement que la dissipation et rappellent la vie calme et laborieuse des bénédictins qui les ont élevés. Le mobilier est assurément moins luxueux que celui des écoles que j’ai visitées dans Paris. Il remonte, du reste, à 1809. Les lits ressemblent à ceux des casernes, et, quant au costume, il est tellement simple qu’il en est presque ridicule. Ce qui le rehausse, c’est l’excellente tenue de celles qui le portent, leur maintien modeste, simple et sans embarras. Elles doivent ce cachet de distinction aux femmes d’un vrai mérite qui sont à leur tête, et surtout à Mme la surintendante, qui, depuis dix-sept ans, dirigeait cette grande maison avec un talent incomparable et dont tout le monde, à Saint-Denis, a déploré le départ et la mort, toute récente.

Les maisons de la Légion d’honneur ne laissent rien à désirer sous le rapport de l’hygiène. Elles sont toutes trois situées en pleine campagne. Saint-Denis, avec ses dépendances, couvre 35 hectares de terrain. Devant la façade principale s’étend une pelouse immense, qu’entourent de grands bois profonds et sur laquelle on pourrait faire manœuvrer une division d’infanterie. Les potagers, les cours sont à l’avenant ; les dortoirs, les infirmeries, les salles d’étude ont des dimensions analogues. Les cabinets de toilette, la salle d’hydrothérapie et le gymnase sont bien installés. Écouen s’élève sur une hauteur, au milieu des bois, dans une situation admirable. C’est un château qui appartenait autrefois aux princes de Condé et qui a été affecté à sa destination actuelle en 1808. Les Loges sont situées au milieu de la forêt de Saint-Germain. La maison n’a pas le développement de celle de Saint-Denis, mais elle suffit largement au personnel qui l’habite. Une partie de la forêt a été englobée dans le parc. Les élèves s’y promènent et passent leurs récréations en plein air. Dans les trois maisons, le costume, la nourriture, la règle et les programmes senties mêmes, et on n’a rien épargné pour le bien-être et la santé des élèves. La dépense totale se monte à 1 million par an, et elle est couverte en entier par les revenus propres à la Légion d’honneur.

La distribution du temps y est fort sage : les jeunes filles ont neuf heures et demie de sommeil et sept heures et demie de travail