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la Société d’hygiène a ouvert un cours de cuisine scientifique qui a été suivi par des femmes et par des jeunes filles appartenant à toutes les classes de la société.

Pour achever de parcourir le cercle des écoles entretenues par l’état ou par les communes, il me reste à parler des maisons d’éducation de la Légion d’honneur[1]. Elles ont été créées par Napoléon Ier, le 15 décembre 1805, pour les filles, les sœurs et les nièces des membres de l’ordre de la Légion d’honneur, qu’il avait fondé trois ans auparavant. Napoléon reprenait, k cent vingt ans de distance, la tradition de Louis XIV. L’institution nouvelle répondait à la même pensée que celle qui avait fait naître la maison royale de Saint-Cyr en 168rt. Le monarque absolu et l’empereur tout-puissant avaient eu le même but. Le premier avait ouvert, aux filles pauvres de sa noblesse, une école dans laquelle elles recevaient gratuitement une instruction conforme à leur condition. Le second avait voulu faire de même pour les filles de cette aristocratie qu’il venait de créer et qui, comme l’autre, était plus riche de gloire que d’argent.

Les lettres de Mme de Maintenon retracent, dans ses plus petits détails, la vie des demoiselles de Saint-Cyr. La préoccupation constante de cette habile institutrice allait à leur inspirer l’humilité, la modestie, le goût du travail, qui conviennent à des filles pauvres et destinées à le rester. Elle se plaint sans cesse de leur caractère hautain et fier et de la peine qu’on éprouve à les tenir. Il est certain que le système de compression auquel elles étaient soumises devait sembler bien lourd à ces filles de qualité, qui restaient là jusqu’à vingt ans. Le silence y était la règle, comme dans les maisons de correction. Elles n’avaient pour l’enfreindre que trois heures par jour, et il était expressément défendu de les laisser se parler bas ou causer à l’écart. L’instruction y était sommaire et presque exclusivement religieuse. L’écriture, la lecture, l’orthographe, un peu d’histoire et de littérature, constituaient, aux yeux de Mme de Maintenon, un bagage suffisant pour ces filles de petite noblesse. Pour les bourgeoises, tout cela, lui semblait superflu. Il suffisait de leur faire réciter leur catéchisme, de leur apprendre à lire et à écrire.

L’hygiène, il est à peine besoin de le dire, n’occupait pas beaucoup de place dans cette éducation. Dans les lettres de Mme de Maintenon, il est pourtant question de la santé des élèves ; mais les

  1. Pour les maisons d’éducation de la Légion d’honneur, voir Jules Delarbre, trésorier-général des Invalides : la Légion d’honneur, histoire, organisation, administration. (Chap. XX, Revue maritime et coloniale, 1886 et 1887.)