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Quant à la manière de les employer, il est des maisons où le silence, les attitudes recueillies, les promenades graves dans les allées des jardins, passent pour l’idéal de la bonne éducation, et les élèves s’appliquent à prendre des allures de jeunes novices. Dans les autres au contraire, et particulièrement dans les maisons du Sacré-Cœur, on s’efforce, comme dans les collèges de jésuites, de faire jouer les élèves. Les maîtresses les y excitent et se mettent de la partie. Les danses en rond, la course, les barres, les échasses, les cerceaux et le jeu de crocket sont les divertissemens habituels de leurs récréations. En fin de compte, dans les familles religieuses, lorsqu’une jeune fille n’a plus de mère ou ne peut pas être élevée par elle, le couvent lui offre un asile salutaire, où la vie est calme, l’éducation honnête et l’instruction suffisante. Il s’agit seulement de bien choisir.

Les maisons d’éducation dont je viens de parler ne sont, comme je l’ai dit, accessibles qu’aux familles riches; pour les classes laborieuses, il n’y a d’instruction possible que dans les écoles publiques. On a fait, depuis quinze ans, de grands efforts pour les développer. A la suite de nos revers, l’opinion s’est émue de l’état d’infériorité dans lequel nous étions tombés sous le rapport de l’instruction. Pour le conjurer, l’état et les communes se sont mis à l’œuvre avec une ardeur égale. Des sacrifices considérables ont été faits pour créer des écoles nouvelles, les programmes de l’enseignement ont été complètement remaniés, la sollicitude des pouvoirs publics et du gouvernement s’est traduite par des lois, des décrets et des arrêtés sans nombre.

Je n’ai pas à apprécier le caractère de ces réformes ni les tendances qui y ont présidé; je ne m’arrêterai pas davantage à rechercher s’il n’aurait pas été possible d’apporter plus d’économie dans les constructions, si l’on n’a pas parfois dépassé le but et obéré sans nécessité le budget des communes. Ce qui est indéniable, c’est qu’une grande impulsion a été donnée en France à l’enseignement élémentaire. L’instruction a été largement répandue sur le pays, et nous ne tarderons pas à en constater les résultats. Les générations qui ont grandi sous ce nouveau régime arriveront bientôt à l’âge où commence la vie sociale. Elles y apporteront un degré de culture intellectuelle inconnu à celles qui les ont précédées. Ce progrès s’accuse déjà par l’accroissement de la population scolaire. Lors du dernier recensement qui a été publié en 1882, on comptait en France 74,441 écoles publiques ou libres, laïques ou congréganistes, dont 26,304 pour les garçons, 30,409 pour les filles et 17,728 mixtes. Elles étaient fréquentées par 5,049,363 enfans, dont 2,568,339 du sexe masculin et 2,481,024