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soient, s’ils reconnaissent qu’elles sont méritées, tandis qu’ils se révoltent contre une simple réprimande, quand ils ont la conscience de ne pas l’avoir encourue. La fermeté dans la douceur et l’égalité de caractère sont les deux conditions les plus indispensables à une mère qui veut se faire aimer de sa fille tout en s’en faisant obéir, et, lorsque la nature lui a refusé ces précieuses qualités, elle doit tout faire au moins pour en conserver l’apparence.

Dans l’art d’élever les enfans, il y a trois choses à envisager : l’éducation, l’instruction et l’hygiène ; la culture morale, la culture intellectuelle et la culture physique. De ces trois élémens, il y en a un qui est l’attribut exclusif de la mère, et pour lequel elle ne peut se faire ni aider ni remplacer. A elle seule revient le droit et le devoir de former l’esprit et le cœur de ses enfans. « La tendresse maternelle, a dit J.-J. Rousseau, ne se supplée pas. »

L’instruction peut se donner en commun, l’éducation doit être individuelle. On peut enseigner à cinquante jeunes filles réunies l’histoire, la géographie, les langues, le calcul ; on ne peut pas leur transmettre ainsi les notions et les principes qui doivent les diriger dans la conduite de la vie. Cela ne se démontre pas au tableau. Ces choses sont trop délicates pour comporter un enseignement collectif ; ce sont des sentimens plutôt que des faits, et la mère les communique à sa fille dans ces épanchemens où leurs cœurs battent à l’unisson. De pareilles leçons ne s’oublient jamais, et l’élève s’en souvient, surtout lorsque la maîtresse n’est plus la et qu’elle a charge d’âmes à son tour.

Cette initiation doit commencer de très bonne heure, et la mère doit devenir la compagne assidue de sa fille presque à sa sortie du berceau. Ce n’est pas sans danger qu’on laisse les enfans de ce sexe entre les mains des domestiques. Leur langage, leur tenue, leur caractère en souffrent également. Gâtés à l’excès ou brutalisés sans raison, suivant le caractère des femmes auxquelles on les confie, elles épousent très vile leurs préjugés, leurs superstitions, leurs rancunes, et apprennent en cette compagnie des choses qu’elles devraient toujours ignorer. « La société des domestiques est mauvaise pour les petits enfans, dit M. Legouvé ; ils y contractent des habitudes de bas langage : adolescens, ils s’y instruisent parfois en de dangereux secrets ; jeunes, ils y sont trop flattés et y perdent le goût des sociétés choisies où il faut payer de sa personne. Le goût pour les domestiques dénote ou entretient, chez l’enfance et la jeunesse, une certaine timidité paresseuse et vaniteuse, parfois même une certaine bassesse. » — « Je voudrais, dit Mgr Dupanloup dans sa vertueuse indignation, stigmatiser ici d’une plume vengeresse la race des mauvaises bonnes, ineptes et grossières.