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se tait, sous prétexte qu’il est initié aux mystères de l’Orient et ne peut en trahir les secrets. Il fallait toutes ses habiletés d’avocat et tout le charme de son éloquence pour faire accepter des juges cette étrange tactique. Mais ce n’est pas ainsi qu’on satisfait la logique populaire.

Tel est, dans l’Apologie, le système de défense auquel s’en tient Apulée. Il accepte d’abord tous les faits allégués, vrais ou faux. Puis il entreprend de démontrer : 1° que la magie n’a rien à voir dans toutes ces histoires ; 2° que, fùt-il le plus grand magicien de la terre on n’a pu le prendre en flagrant délit de sortilèges. Il discute les enchantemens qu’on lui reproche, en homme qui les croit possibles.

Par exemple, on l’accuse d’avoir hypnotisé des enfans. Il déclare seulement pour sa défense qu’il n’avait aucune raison de le tenter et qu’il n’en aurait tiré aucun profit. « Pour compléter leur histoire dit-il mes ennemis auraient dû ajouter que ce même enfant a fait une foule de prédictions ; car on sait que le résultat ordinaire des enchantemens, ce sont les présages et la divination. Et ce n’est pas seulement par les croyances populaires, c’est encore sur le témoignage de savans hommes, que s’est confirmé ce miracle au sujet des enfans. » Et l’orateur emprunte à Varron le récit de plusieurs prodiges. Au temps de Mithridate, les gens de Tralles en Asie-Mineure inquiets sur le résultat probable de la guerre, demandèrent officiellement à la magie des révélations sur l’avenir ; un enfant contempla dans l’eau une image de Mercure, le dieu de l’enchantement, et prédit en cent soixante vers ce qui devait arriver. Un jour à Rome Fabius avait perdu cinq cents deniers. Il vint consulter Nigidius. Celui-ci ensorcela des enfans, qui, dans leur sommeil magnétique, révélèrent l’endroit où étaient enfouies une bourse et une partie de la somme. Le reste des écus avait été dispersé, et les magnétisés ajoutaient qu’une des pièces se trouvait entre les mains de Caton le philosophe. Fabius, n’en pouvant croire ses oreilles, alla voir Caton; celui-ci montra en effet le denier, qu’il avait reçu d’un de ses esclaves pour une offrande à Apollon. Aux enfans doués de cette seconde vue, les Romains donnaient le nom d’enfans magiques (magia pueri). « Ce don prophétique, ajoute Apulée, n’est accordé Qu’à des êtres gracieux, vierges, d’esprit éveillé, capables de s’exprimer avec aisance. Leur âme est comme un temple pur où réside la puissance divine ; elle est prompte à se dégager de la matière et se laisse reconquérir tout à coup par le principe sacré. Les enfans magiques n’ont rien de commun avec les épileptiques, êtres difformes et hébétés dont on détermine aisément les crises sans le secours des enchantemens ; il suffit pour cela d’enflammer et d’approcher