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qui découlent du commandement. C’est ainsi que la reine Victoria signe encore le premier brevet de nomination de tout officier qui est admis dans l’armée, et il a fallu une loi pour la dispenser de signer les brevets subséquens. Le souverain délègue l’exercice de sa prérogative à un officier-général qui prend le titre de commandant en chef. Le duc de Wellington a rempli jusqu’à sa mort ces fonctions, qui sont occupées aujourd’hui par un cousin de la reine, le duc de Cambridge. La nomination des officiers, leur avancement, la désignation des garnisons et des commandemens, les règlemens de toute nature, les questions d’uniforme, la discipline, la justice militaire, etc., sont du ressort du commandant en chef et de ses bureaux, des Horse guards, comme on les désigne familièrement, et sont ainsi soustraits aux influences politiques et aux variations ministérielles.

Aucun embarras ne résulte de cette séparation d’attributions. Est-il nécessaire d’envoyer des troupes quelque part : au Cap de Bonne-Espérance, en Égypte, en Birmanie ? Le ministre de la guerre informe le commandant en chef que le gouvernement de sa majesté a décidé l’envoi sur tel point d’une force déterminée : le commandant en chef désigne les corps de toute arme qui feront partie de l’expédition et l’état-major qui la commandera : il envoie les ordres de départ, c’est ensuite au ministère de la guerre de pourvoir au transport, à la solde et à l’entretien des troupes. Inversement, il arrive que le commandant en chef porte à la connaissance du ministre de la guerre qu’il serait désirable, dans l’intérêt de la défense nationale, d’édifier ou de reconstruire un ouvrage militaire : c’est au ministre de la guerre qu’il incombe, sous sa responsabilité, d’ajourner la construction proposée ou de demander au parlement les fonds nécessaires. Il ne peut s’élever de conflits entre ces deux autorités, dont l’une représente le contrôle indispensable du parlement sur les dépenses publiques et dont l’autre a en garde les droits des personnes et tout ce qui, dans l’organisation militaire, a besoin de permanence et de fixité.

La même organisation existe aux États-Unis, où le commandement en chef de l’armée est séparé du ministère de la guerre. La constitution en investit le président, qui le délègue à un officier-général : ce poste a été occupé par le général Winfield Scott, puis par le général Grant, et, après la retraite volontaire de celui-ci, il a été confié au général Sherman. Les questions de budget regardent le ministre de la guerre ; les questions de règlemens et de personnes regardent le commandant en chef, et lorsqu’il faut châtier une tribu indienne ou réprimer des désordres, c’est lui qui désigne les troupes à employer à ce service. On retrouve la même sépara-