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commission du budget leurs attributions les plus évidentes. Cette commission s’ingère dans les détails de leur administration ; elle prétend enchaîner leur initiative et leur imposer sa direction. Les lycées sont en déficit constant, et il faut, tous les ans, imposer aux contribuables un sacrifice de plus en plus considérable pour payer l’éducation de quelques privilégiés. Comprenant qu’il y a là un péril pour l’institution elle-même, le ministre actuel de l’instruction publique, en homme avisé, a cru prudent d’arrêter les progrès du déficit, et il a augmenté le prix de la pension. Il agissait dans la limite de ses attributions ; il usait d’un droit déjà exercé à diverses reprises par ses prédécesseurs ; enfin il ajoutait aux recettes du trésor. Néanmoins, la commission a jeté feu et flamme ; elle s’est plainte très haut de n’avoir pas été consultée ; elle a mandé le ministre devant elle et, sur son refus de comparaître, elle a échangé avec lui la correspondance la plus aigre. Il en est du cabinet tout entier comme des ministres individuellement. Un décret présidentiel, daté du 17 octobre 1887, a transféré du ministère des affaires étrangères au ministère de la marine l’administration des protectorats qui avait été attribuée, il y a trois ans, au premier de ces départemens. Un décret défaisait donc ce qu’un décret précédent avait fait, et loin qu’il en résultât un accroissement de dépense, on réalisait une économie. La commission du budget ne s’en est pas moins courroucée : elle s’est réunie d’urgence et a voté la protestation suivante, dont les termes méritent d’être pesés : « La commission, considérant que le projet de décret qui lui a été communiqué soulève d’importantes questions politiques, donne acte au gouvernement de sa déclaration qu’il entend les trancher sous sa seule responsabilité, devant la chambre, et sans l’approbation préalable de la commission du budget. » Admettez de semblables prétentions, et voilà le gouvernement du pays transféré à la commission du budget.

Il ne manquait plus à la chambre, pour compléter le cercle de ses usurpations et pour établir qu’elle est l’unique dépositaire de la souveraineté, que de mettre la main sur le pouvoir judiciaire et sur la présidence elle-même. Ces derniers pas ont été franchis. La chambre a accepté la possibilité d’une enquête parlementaire sur des faits soumis à une instruction judiciaire déjà commencée. Une telle idée eût paru monstrueuse à toute assemblée respectueuse des principes essentiels de la constitution et soucieuse de la légalité. Lorsque l’opinion publique s’est émue récemment, en Angleterre, de certains faits scandaleux et de certains abus de pouvoir commis par des agens subalternes de l’autorité, la chambre des communes a-t-elle eu un seul instant la