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commission du budget. Il tient à se signaler par un changement quelconque qui autorise ses amis à le considérer comme un réformateur et qui lui devienne un titre à un portefeuille. Il expérimente comme in anima vili, sur le service qui lui a été livré en pâture. Tous les rapporteurs font part à la commission des conceptions qui ont germé dans leur cerveau : elles sont jugées avec une indulgence réciproque, recommandées et souvent imposées aux ministres. De là ces fantaisies réformatrices qui ne sont souvent que des retours à un passé condamné et rejeté ; de là ces improvisations qui bouleversent brusquement un service, le disloquent ou le dépouillent d’une partie de ses attributions transportées à un service voisin. Aussi la commission du budget est-elle la terreur de toutes les administrations : celles-ci se sentent sans cesse sous le coup de résolutions impossibles à prévoir. Personne n’est assuré du lendemain, sachant que ni l’ancienneté, ni les services, ni les règlemens ne le préserveront des caprices d’une commission omnipotente. La situation des trésoriers-généraux et des receveurs des finances est remise en question tous les ans : tantôt il s’agit de supprimer une partie de leur traitement et tantôt de les supprimer eux-mêmes. Les sous-préfets sont voués désormais aux mêmes angoisses ; et ce sera peut-être en vain que, pour les sauver, on propose de jeter en pâture au minotaure parlementaire les deux tiers des conseillers de préfecture. La loi elle-même ne protège plus contre un arbitraire dont on chercherait vainement l’exemple en dehors des états despotiques. Institués par une loi, les aumôniers militaires ont disparu sans que cette loi ait été abrogée. Établies par le décret constitutif de l’Université, qui avait tous les caractères d’une loi organique, les facultés de théologie ont disparu également. Les maisons d’éducation de la Légion d’honneur, qui font partie intégrante de l’ordre lui-même, ont failli être condamnées. On ne prend plus la peine de demander ou de proposer l’abrogation d’une loi, ce qui rendrait inévitable une discussion contradictoire et donnerait la parole au sénat : il est plus commode et plus expéditif de rendre les lois inexécutables par la suppression des crédits indispensables à leur exécution. Une dizaine de fortes têtes, cantonnées dans la commission du budget, refondent ainsi peu à peu toute notre législation administrative, et comme on ne s’arrête guère sur une pareille pente, les traités eux-mêmes ne seront pas plus respectés que les lois : voici, en effet, que la commission du budget a voté la suppression du budget des cultes tout entier.

Comment les ministres feraient-ils respecter les droits de leurs subordonnés ; comment protégeraient-ils contre la désorganisation les services qu’ils ont à diriger ? Ils ne peuvent défendre centre la